mercredi 23 décembre 2009

Virer de bord

Voilà; 25 jours plus tard, me revoici à l'aéroport de Miami attendant mon vol pour Montréal. C'est le retour à la maison, le retour d'une autre montagne. C'est un retour tout en transition cependant. Il y a déjà une semaine que je suis redescendu et, depuis, j'ai pleinement profité de la très ensoleillée et très sèche Mendoza (cinquième région viticole de la planète) et de Buenos Aires, que j'ai quitté hier soir. C'est pas donnée de faire de la haute montagne, il faut aller loin, mais justement ce sont toujours des occasions de voyage et de découverte.

Je rentre donc à la maison après avoir tenté de grimper le Mercédario. Je dis "tenté" car, plusieurs l'apprendront ici, j'ai renoncé à moins de 40 mètres du sommet. Attention, je dis 40 mètres, ce sont 40 mètres verticaux, en distance horizontale à parcourir c'était plus que ça. J'avais dépassé le premier cône sommital (qui était un anté sommet, voir les entrées précédentes) et j'avais atteint la crête finale, qui menait au petit sursaut du véritable sommet. Je voyais parfaitement bien le vrai sommet, proche malgré que j'estimais qu'il me faudrait au moins une heure de plus pour l'atteindre, mais, bizarrement quand je l'ai vu à porté de main, ou de pied si vous préférez, la volonté de l'atteindre m'a abandonnée. J'étais particulièrement fatigué, notre journée avait commencé 7 à 8 h auparavant, à 5200 mètres, sous un vent constant de 70 `km/h, un assaut long, ardu. Depuis une heure j'avais des engelures au nez, mais j'ai voulu ce sommet, je le sentais proche.

Puis, quand je l'ai vu à porté , quand est venu le temps de le toucher, l'évidence fut qu'il y a des conquêtes, aussi accessibles semble-t-elles, qui ne sont pas dues pour se faire. Que la première mesure du succès en haute montagne, c'est d'en revenir et qu'aucun sommet ne vaut un nez, un doigt. J'ai senti que, si j'avais encore l'énergie pour retourner de façon sécuritaire au camp, en continuant pendant cette heure de plus pour atteindre le sommet, je ne savais pas si j'aurais encore cette force. Devant ce constat, j'ai tourné les talons sans regrets. Seule Faye, qui avait elle aussi tournée les talons au Dénali près du sommet, a voulu poursuivre et, en plus de 3 heures d'efforts, elle a fait le sommet en solo, dans la tempête pendant que nous l'attendions.

Donc, pour la première fois de ma (limitée) carrière de grimpeur, j'ai renoncé a un sommet. Depuis, je cherche en moi un sentiment d'échec quelconque, une déception inavouée, une frustration rationalisée et je n'en trouve pas. Je suis parfaitement en paix avec ma décision et je dois dire que, quelque part, ce fut peut-être ma plus belle montagne. Elle m'a donné l'occasion de donner le meilleur de moi-même, d'aller au bout de mes ressources et je me suis donner l'occasion d'être encore là, ici et sur une autre montagne pour me battre encore. La vrai mesure du succès n'est pas tant d'avoir réussi hier, que de pouvoir continuer d'essayer demain, c'est ce que nous ferons demain qui déterminera ce que nous seront, pas ce que nous avons fait hier. Déjà, j'ai le goût d'une pente.

vendredi 27 novembre 2009

De l'aéroport de Miami

Les aéroports ont quelque chose de particulier. Ces grands carrefours où se croisent des voyageurs blasés aux yeux bouffis de sommeil, me fascinent. Il faut bien, j'attends mon vol pour Santiago qui ne décollera pas avant deux heures encore, il vaut mieux que l'endroit me fascine.

Auparavant, il me suffisait de mettre le pied à l'aéroport pour me sentir dépaysé, pour me sentir déjà loin; pas cette fois. Peut-être parce que j'ai fait exactement le même trajet dans le même but il y a trois ans quand je suis allé tester ma volonté sur les pentes de l'Aconcagua.

Mais, aujourd'hui, je ne sens pas ce dépaysement , je ne me sens pas encore tout à fait parti. Ce n'est qu'un signe de plus que je devais partir. Je devais prendre le temps de me retrouver et loin de tout, dans le froid et l'effort, c'est ça que la montagne a à m'offrir, et ce cadeau, je vais le prendre au complet, sans rechigner.

Lundi dernier j'ai présenter mes deux derniers films de montagne (l'Aconcagua et le Denali) devant plus de 70 personnes. Je pense avoir été bon, je suis certain d'avoir été bien. En parlant de la montagne, de mon passé aussi, je me suis retrouvé, en remontant le sentier que je connais si bien, j'ai vu un peu où je m'étais arrêté, où je m'étais un peu perdu.

Les gens sont restés longtemps pour les questions. J'étais allumé par leur intérêt, j'étais quasiment charismatique, je me sentais de nouveau fort, de nouveau en contrôle. Cette soirée m'a fait un bien fou. J'en avais un besoin criant.

Demain matin je serai du bon côté de l'avion et je reverrai l'Aconcagua que l'on distingue très bien au nord sur le vol Santiago-Mendoza, je le reverrai avec un respect certain. Puis, lundi, je serai au pied du Mercedario avec mes 3 compagnons et je dormirai hors de la tente pour admirer les glaciers miroiter sous la pleine lune et mes rêves seront remplis des caresses de la princesse de la nuit.

Dans 3 semaines, je redescendrai de ma montagne avec une réalité objective qui n'aura pas changé: toujours aussi frustré au travail, toujours aussi malheureux en amour, rien n'aura changer à Montréal. Mais je redescendrai, je prendrai ma première douche en 18 ou 19 jours, prendrai un magnifique repas et je serai de retour à la vie. C'est ça que la montagne m'offrira, en échange de 3 semaines de sueurs et de douleurs, elle m'offrira moi, elle m'offrira la vie.


dimanche 15 novembre 2009

Les faux sommets


Quand on fait de la montagne, on apprend rapidement à connaître un phénomène extrêment frustrant: les anté sommets (de anté, avant) ou, si vous préférez, les faux sommets. C'est tout simplement que, quand on grimpe, souvent on pense approcher du sommet, l'avoir à porté de la main, ou du pied, être sur le point de l'atteindre, pour découvrir que ce n'était qu'une butte et que le vrai sommet est plus loin, et encore, ce n'est peut-être qu'une butte là-aussi.

Ça peut affreusement être décourageant et l'expérience n'y fait rien. On pourrait croire qu'un grimpeur expérimenté ne se laisserait plus aller à l'illusion que le sommet est proche. Mais il n'en est rien. On veut y croire, votre corps au complet veut y croire, vos sens veulent y croire. Alors, vous avez beau savoir, quand vous constatez que le sommet n'est pas là, ça vous scie les jambes et il faut redoubler de volonté pour poursuivre vers le véritable sommet.

Je compare mon année qui se termine à une succession de faux sommets. Dans plein de domaines: professionnel et affectif, j'ai cru, j'ai voulu croire, que j'avais atteint un sommet, un objectif, qu'après tant d'années, je touchais enfin au but. Quand j'ai constaté que mon fabuleux sommet n'était finalement qu'un vulgaire button, j'ai vraiment déchanté et reprendre la route n'a vraiment pas été facile, mais je crois que j'y arrive tranquillement.

Ceux qui ont lu mon blogue depuis le début savent mon problème de peau abondante que je considère comme les cicatrices nobles de mon combat contre l'obésité. Et bien j'ai décidé tout dernièrement que j'avais terminé ce combat contre l'obésité, que j'avais vaincu cette obésité chaque jour de ma vie depuis maintenant plus de 10 ans, que je n'avais, là-dessus, plus rien à prouver, plus rien à me prouver. Pour marquer la fin de cette guerre, mardi, j'ai rendez-vous avec un chirurgien plasticien afin de faire évaluer le travail et, en resdescendant de ma montagne, je me ferai retirer ce surplus de peau. Je ne suis plus en guerre, je n'ai pas besoin d'uniforme.

C'est certain qu'aucune opération ne me donnera un corps d'Appolon. J'aurai toujours un ensemble assez spectaculaire de cicatrices, mais je ne me reconnais plus dans ce vêtement de peau trop grand. Je ne referai pas le passé, mais j'améliorererai l'avenir.

Voilà, je vais continuer vers un autre sommet et j'aurai certainement encore pas mal de déceptions et de faux sommets, mais, dans deux semaines, en allant vers ma montagne en Argentine, j'irai retrouver l'essentiel: moi. Car on ne peut faire de la montagne si on ne sait pas, quelque part, retrouver son essence.


lundi 26 octobre 2009

J'y ai cru


Vous auriez fait ma conaissance au printemps dernier et vous auriez rencontré un homme qui jugeait très sévèrement son bonheur comme étant parfait. Mon travail me passionait et j'y réussissais des coups de maitre, je déterrais les scandales et dénouais l'intrigue avec une aisance extraordinaire. Je travaillais au sein d'une équipe du tonerre et je m'épanouissais professionellement.

Mes projets d'ascencion ne manquaient pas d'ambition et je me mettais à rêver sans retenue de sommets nouveaux. J'en avais un pas mal du tout d'ailleurs qui mijotait lentement sur le feu et ça embaumait bon les Andes dans mon ciboulot.

Et au niveau personnel, ouhaa!!!Alors là les amis, gros lot, j'avais rencontré une femme extraordinaire, belle, magnifique, rayonante qui portait en elle onze mille six cent quarante trois bonnes raisons pour que j'en tombe amoureux et comme moi, en temps normal, il ne ne m'en faut pas plus que 3 ou 4....

Bref, je me sentais bon, je me sentais fort, je me sentais beau, dans tous les aspects de ma vie, la perfection elle-même jalousait ma vie, c'est vous dire.

Je ne sais pas ce qui a foiré en premier. Peut-être est-ce le travail en fait, car au début juin, le contexte a changé et, tout à coup, les choses sont devenues plus difficiles, les beaux rouages qui roulaeint allégrement commençaient à faire entendre un couic-couic inquiétant. Mais tout le reste allait si bien.

Ensuite, c'est ma belle histoire d'amour qui a rapidement fait des couic-couics et s'est tristement écrasée. Pourquoi? Parce que, tout simplement. Ce fut d'une immense tristesse pour moi, mais le reste allait si bien.

Et puis, c'est mon projet de montagne qui a commencé à s'écrouler et j'ai du faire des acrobaties pour essayer de le sauver. Ce fut une grande source de stress, mais le reste allait...au fait, où était le reste qui allait si bien?

Disons donc simplement que, depuis quelques mois, j'ai vraiment l'impression de pédaler contre un vent qui souffle de plus en plus fort, surtout lors des dernières semaines.

En effet, ceux qui me connaissent et savent mon domaine de travail (la politique municipale) ne seront pas surpris que je dise que les derniers jours furent des plus bouleversants. Mon ex-patron, mais toujours ami, la précision est importante, a alimenté toutes les conversations de machine à café au cours des dernières semaines pour avoir d'abord soutenu publiquement une chose pour, ensuite, révéler, très publiquement, l'étendue de ses fautes et causer une tempête qui secoue Montréal depuis près de deux semaines. J'ai cru cet homme pour la simple et bonne raison que c'est un ami et je l'ai défendu bec et ongles devant tous. J'ai été fortement ébranlé, sonné, quand j'ai su qu'il avait menti ,qu'il m'avait menti, comme un grand coup en plein plexus.

Je pourrais regarder mon année qui se termine et la voir comme une perte. Une année où j'aurais perdu mes projets, mon épanouissement professionnel, l'amour et la ma foi en l'amitié. Mais, curieusement, ce n'est pas le cas. Je n'ai rien perdu, en fait j'ai gagné beaucoup au cours de cette année.

Je n'ai pas perdu l'amour car j'ai gagné une plus qu'amie hors du commun. Je considère en effet que je suis devenu beaucoup plus proche de cette femme que je ne l'étais quand j'avais la prétention d'être son amoureux, nous avons une complicité si exceptionnelle que je ne crois pas pouvoir imaginer deux êtres plus complices que nous le sommes. Alors, ai-je perdu quelque chose? Pas du tout, je suis, au contraire, encore le plus chanceux des hommes d'avoir une telle personne dans ma vie.

Ma montagne de son côté? J'y vais dans quelques semaines, mon projet est toujours vivant, ce ne serait pas le cas que ce ne serait pas dramatique. Aimer les montagnes à ceci d'avantageux qu'elles sont patientes, elles ne bougent pas et nous attendent, si je n'y vais pas maintenant, j'irai plus tard, elles m'attendront. Mais cette année, j'irai, après un peu plus d'efforts, mais avec encore plus de plaisir.

Et ma foi dans l'amitié? En fait, je suis super content de celle-là. En effet, après 12 ans de travail dans un milieu où, en principe, règne la magouille, la duperie, la stratégie. et la tromperie, mon premier réflexe fut... de croire un ami, parce qu'il est mon ami. Suis-je fâché de m'être fait mentir? Non, je suis fier aujourd'hui, parce malgré tout, j'y ai cru et avoir foi en l'amitié, y croire, c'est merveilleux.

vendredi 11 septembre 2009

L'heure du conte

Je sais, je n'ai pas été très fidèle cet été. Celui-ci ne fut pas de tout repos. Mais je ne suis pas sur terre pour me reposer, alors je ne m'en plaindrai pas. Ça ne veut cependant pas dire que je n'ai pas écris un peu et c'est ce que je veux vous partager.

Quand je suis aller grimper le Kilimandjaro, il y a maintenant un peu plus de 4 ans, on m'a demandé d'écrire un petit texte pour parler de la dernière nuit sur la montagne. Après plusieurs jours de page blanche j'ai finalement débloqué en m'inspirant de mon écrivain fétiche; Antoine de Saint-Éxupéry et son trop célèbre Petit Prince. Ce qui, au départ, n'était qu'une petite phrase pour lancer un texte est devenu un conte en soi, qui fut éventuellement agréementé de mes photos, devint un album, fut lu et apprécié, partagé. Ensuite, avec d'autres montagnes vinrent les suites à la demande général.

Au cours des dernières semaines j'ai terminé le dernier qui était en chantier depuis plusieurs mois.

Voici donc l'ensemble de ces textes.

Les liens sont dans l'ordre. Vous pouvez utiliser la fonction plein écran et défiler les pages une à une. Bonne lecture.








dimanche 12 juillet 2009

Manger ses émotions et manger une volée


Quelques réflexions d'un samedi pluvieux. Pour les gens qui ont lu l'ensemble de mon blog, celles-ci seront un peu redondantes. Je ne m'en excuse pas , ma prise en charge est essentiellement un exercice de redondance et je suis un être de redondance. C'est peut être aussi pour cela que je suis si à l'aise sur les montagnes: elles sont des bêtes d'habitude et de routine.


Quand on y pense, grimper une haute montagne est une journée d'effort soutenu...répétée 20 fois de suite et une journée de sommet n'est que le même pas, répété 18 000 fois. Dans mon existence j'ai donc un moment charnière qui se situe il y a une dizaine d'années suivi d'une longue marche dans une direction générale qui a été adaptée en fonction du terrain sur lequel je progressais.


C'est dire que prendre son ou ses problèmes en charge constitue un engagement que, quelque part, on recommence tous les matins. Existe-t-il un point où l'on peut dire que l'on est arrivé quelque part, que le chemin est terminé? Je ne crois pas ou, du moins, je n'y suis pas encore parvenu. Au point de vue de l'engagement envers moi-même, c'est un éternel recommencement, tous les jours.


Quand on se prend en mains on ne change pas le monde, on ne se change pas soi-même, on change sa propre capacité de faire face au monde et sa propre perception de cette capacité. On n'efface ni ne change le passé, on l'apprivoise et on l'accepte. Aussi merdique soit-il, il fait partie de soi. Il nous appartient d'en faire une base, une inspiration, un tremplin etc qui nous permettra d'aller plus loin. Je crois, non je sais, que mon obésité m'a donné l'apprentissage et la motivation de devenir un meilleur homme. Je le dis bien sincèrement: « Dieu merci j'ai été obèse, j'aurais aussi bien pu rater ma vie! ».


Mais pour cela j'ai accepté mon passé et pris conscience de mes peurs et de mes angoisses, j'ai appris à vivre avec mes doutes. Ma petite « voix » intérieur qui doutait, certains de mes instincts destructeurs, sont toujours là. J'ai les mêmes peurs, les mêmes angoisses et le monstre qui se cachait sous mon lit quand j'étais enfant si terre toujours (Sauf que, maintenant, c'est lui qui a peur de moi:).


Ce qui a changé essentiellement c'est que, confronté aux mêmes choix qu'autrefois, je les fais maintenant en me basant sur mes désirs sincères et mes valeurs plutôt que sur mes peurs. Je rencontre encore aujourd'hui les mêmes émotions que je gérais autrefois à grandes assiettes, sauf que maintenant j'y répond autrement. Je rencontre les mêmes frustrations et les mêmes revers qu'autrefois, je dirais même que, bizarrement, j'en souffre peut-être plus qu'autrefois. Autrefois je fuyais et je m'engourdissait pour en ressentir le moins possible, aujourd'hui j'accueille cette souffrance comme une occasion de grandir. Comprenez-moi bien: je ne recherche pas la douleur et la frustration du tout, mais l'anticipation de cette douleur ne me fait plus peur et ne m'empêche pas d'agir.

Quand j'entreprends de grimper une montagne, je sais très bien que je vais souffrir, et parfois souffrir énormément, mais je sais que si je dois dépasser cette souffrance, lui faire face, pour atteindre mon but. Mon choix et mes pas sont guidés alors par le désir du succès et non par l'anticipation de la souffrance.


La même chose s'applique à ma vie de tous les jours; mes choix ne sont pas dénués de souffrances et de claques que je prends en pleine gueule. J'ai, tous les jours, le goût de fuir devant des difficultés qui m'apparaissent immenses et insurmontables et parfois encore je le fais. Mais, la plupart du temps, je suis incapable de le faire parce que cela ne correspond plus à ce que je suis. Mais, tous les jours je suis confronté, malgré tout, à mes doutes et à mes angoisses et, tous les jours je dois m'assurer de garder le cap, c'est un éternel recommencement. Mais si mes choix restent guidées par mes désirs sincères et mes valeurs je ne me tromperai jamais, je souffrirai peut-être, ce sera difficile parfois assurément, mais je ne me tromperai pas.


Je ne sais pas si vous me suivez?


Je l'espère. Enfin, pour résumer, vous savez la différence essentielle entre le moi d' il y a 10 ans et le moi de maintenant? Peu de choses, la principale étant que si maintenant je sais que je vais manger des claques sur la gueule, je sais aussi que celle qui va me mettre KO n'a pas encore été inventée.

Bon, vous m'excuserez, j'ai un monstre sous le lit auquel je dois aller sacrer une volée.

mardi 2 juin 2009

La persévérance

Parlons un peu de persévérance, qui est un peu la notion qui relie mes deux sujets principaux : l’obésité et la montagne.

En effet, s’il y a de nombreux parallèles à établir entre les deux, il reste que c’est la persévérance qui en reste l’ingrédient essentiel pour les deux. C’est la farine du pain, la fraise de la confiture et le « vous voulez pas le savoir » du kool-aid, bref, pour triompher de l’obésité comme de la montagne, il faut savoir persévérer.

C’est bien beau dit comme ça, mais au-delà de la formule, qu’est-ce que la persévérance?

Au 15ième siècle, Charles de Valois-Bourgogne, dit « le téméraire » avançait l’aphorisme suivant : « Il n’est point nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer » une formule qui sera reprise un siècle plus tard par Guillaume d’Orange-Nassau, dit « le taciturne ». Ce qui m’amène à quelques réflexions : ces gens étaient vraiment masochistes, avaient des surnoms étranges, mais vaut mieux sans doute être connu comme le téméraire que comme le beige pâle et, finalement, avaient partiellement raison l’absence de succès nécessaire ou non à la persévérance.

Je m’explique, car cela nécessite des explications. Bien entendu je crois qu’il est nécessaire d’avoir un certain espoir pour entreprendre quoi que ce soit. Quand je me lance sur les pentes d’une montagne, j’ai l’espoir de réussir à atteindre son sommet, quand j’entreprends de perdre du poids, j’ai l’espoir de maigrir. Mais, si cet espoir est un déclencheur qui amorce ma démarche, qu’est-ce qui me fera continuer?

C’est là qu’arrive la persévérance, qui n’est pas que la capacité de continuer malgré les difficultés, c’est beaucoup plus que ça. La persévérance est une jauge à laquelle on mesure l’intensité de notre conviction, c’est dans la persévérance que je démontre que je crois que si je ne réussis pas aujourd’hui, je pourrai peut-être réussir demain.

Ce qui est fantastique avec la persévérance, c’est qu'elle porte en elle-même sa récompense, qu'elle porte en elle-même son succès. Le fait d'avoir persévérer apportera une fierté même dans l'échec du premier objectif, un enseigment important, un élément clé, une valeur à l'entreprise. Persévérer, c'est croire en l'importance de ce que nous faisons.

Alors, inutile de réussir pour persévérer? Non, car persévérer, c'est réussir.

lundi 9 mars 2009

Prochain épisode

Comme j’ai terminé récemment le cycle du Dénali, il est maintenant temps pour moi de se lancer dans la préparation de ma prochaine montagne, ou mes prochaines montagnes dans ce cas. En effet, si tout va bien , à l’hiver prochain je retournerai en Argentine pour aller me promener dans la cordillera de Ramada,  un petit groupe de montagne à 70 km au nord de l’Aconcagua que j’ai déjà conquis en 2007.

Bien que la notion  de « conquête » soit ici bien relative. La conquête du sommet n’étant qu’un moment bien court au milieu d’une vaste entreprise de longue haleine, comme bien d’autres conquêtes en fait.

Je retourne en Argentine essentiellement pour deux raisons : je n’aurai pas de véritables vacances avant l’hiver prochain, ce qui limite mes destinations possibles à  l’Amérique du Sud et, seconde raison, l’Argentine, c’est vachement bien comme endroit pour qui veux se récompenser d’avoir tutoyer un beau sommet et embrasser une superbe vue. La bouffe, le vin et la douceur de vivre vous donne le goût d’apprendre le tango et d’apprécier le bandonéon.

Ces montagnes devraient êtres moins harassantes que la dernière, mais je les espères aussi passionnantes. 

dimanche 1 mars 2009

Dénali, c'est fini

Vendredi dernier j’ai finalement présenté mon film sur le Dénali. Une soirée bien réussie, les gens présent ont, je crois, bien apprécié. Cette présentation venait conclure ce cycle de montagne, un cycle qui comprend toujours les éléments suivants : préparer, grimper, revenir, raconter. Maintenant que le Dénali est raconté, je pourrai passer à la montagne suivante.

Mais, auparavant, je vous partage une dernière réflexion qui, un peu, fait le pont entre mon amour disproportionné de la montagne et mon poids d’il y a une dizaine d’années, tout aussi disproportionné.

En faisant le montage du film, j’ai remarqué que je n’avais que des images des moments les plus faciles de notre aventure, que, bien évidement, dans les moments de grandes difficultés, quand, écrasés sous l’effort, dans des vents de 90 km heure, je remettais en question ma santé mentale de m’être plus que volontairement foutu dans ce trouble là, et bien j’avais beaucoup d’autres préoccupations que celle de sortir la caméra afin d’immortaliser mon désarroi. Ce qui fait, qu’au bout du compte, j’ai des images de paysages grandioses, de montagnes magnifiques et de bouffe à profusion et que le résultat final donne un film qui célèbre plus le bonheur et les bons côtés de la montagne, que ses difficultés, et c’est bien parfait ainsi. Comme pour tout projet important couronné de succès, on retient finalement tout des bons côtés de l’aventure pour oublier les douleurs et contretemps. Mon film reflète parfaitement cela.

De toute façon comment pourrait-on traduire adéquatement les difficultés de la montagne en image? Sur l’Aconcagua j’avais trouvé une prise de vue parfaite pour l’exprimer en filmant mes pieds avancer péniblement sur le sol rocheux au son de ma respiration plus qu’haletante. Efficace. Mais sur le Dénali rien ne pourrait traduire adéquatement les moments les plus pénibles. Par exemple, comment traduire le jour de notre passage entre le camp III et le camp IV quand la tempête de neige nous a frappé entre deux pentes? En moins de deux minutes nous étions emmitouflés dans nos plus épais manteaux, avec nos lunettes de ski et tout ce qu’il fallait pour affronter le vent et le froid. Sur le Dénali les tempêtes arrivent vite (celle-là laissa 25 cm de neige en moins de 30 minutes) mais repartent aussi vite et quand le soleil est ressorti nous étions tous en progression sur une pente glacée appelée Squirrel Hill avec aucun moyen de nous arrêter avant le sommet. Habillés comme le bonhomme Michelin, exposés en plein soleil sur un immense réflecteur de glace, nous étions dans vrai four. Il faisait si chaud et la seule chose que je pouvais faire c’était de serrer les dents en regardant la sueur qui remplissait mes lunettes comme l’eau remplie un masque de plongée. J’aurais voulu mourir à chaque pas avant d’arriver sur le plat pour pouvoir enfin enlever nos manteaux. Trois fois dans cette journée le temps nous a fait le coup des changements brusques et c’est pratiquement dans un état second que je suis parvenu au camp IV. Assis là, je pouvais voir le fameux « headwall », une paroi de 1000 m de haut avec des sections à plus de 50 degrés, et j’avais seulement le goût de brailler en pensant qu’il faudrait passer par là les jours suivants. On traduit ça comment dans un film?



Comment traduire en images les dernières heures du retour du sommet, quand nous revenions vers le camp après près de 15 heures de marche avec juste un peu d’eau et de chocolat? Je vous le demande, parce que moi je ne sais vraiment pas, dans ma tête j’étais plus loin que l’épuisement, c’était le vide total, un vrai zombie. Une semaine plus tard, à ce même endroit, dans les mêmes circonstances, un jeune Indonésien de 21 ans va se retourner vers son guide, dire « I can’t go no more » et mourir drette-là, son coeur ayant flanché.


En fait, tout ça ne se traduit pas en images, ça se vit, ça se traverse, et ça s’oublie. Quelques jours après m’être désespéré au pied du « headwall », je grimpais celui-ci quasiment au pas de course (quasiment étant ici un terme tout à fait relatif) et les derniers mètres avant le retour au camp étaient bien loin trois jours plus tard après ma première douche en trois semaines et le retour à la civilisation.

Ce long détour par l’Alaska pour revenir un peu à l’obésité. C’est peut être pour cela que j’aime tant la montagne, je m’y sens comme chez-moi, peut-être parce que ma vie d’obèse m’y a bien préparé, peut-être parce que c’est un peu revenir à la maison, aussi inconfortable fut-elle. Bien entendu, je pourrais vous refaire la boutade que je fais assez souvent en disant que, finalement, porter des charges énormes en étant constamment essoufflé n’est pas bien différent du temps de mon obésité ou je fumais deux paquets de cigarettes par jour, c’était de l’entraînement intensif au fond. Mais c’est plus que ça.

Comme je l’ai déjà écrit, je crois que j’ai gardé le meilleur de mon obésité, que j’en ai gardé les bons apprentissages. Attention, pas les bons côtés, il n’y a pas de bons côtés, mais il y a, comme dans toute chose, des choses à saisir, à apprendre, et je crois que j’ai appris les bonnes, pour oublier les mauvaises. L’obésité m’a donné l’occasion de devenir un homme meilleur et je crois avoir saisi cette occasion. Aujourd’hui je pense aux difficultés que j’ai connu étant obèse et j’y ai un rapport très distant, je me demande encore comment j’ai pu les supporter, comme si quelqu’un d’autre les avait vécus. Peut-être est-ce un peu le cas, quand je ressort mes photos de gros, comme je l’ai fait vendredi pour passer un message, je ne peu m’empêcher de penser que ce François là, avec ses 190 kg bien comptés, était pas mal plus fort que je ne le serais jamais. J’ai pris ma retraite de ce côté-là.

Enfin il en va ainsi un peu de la montagne et de l’obésité : les difficultés sont bien relatives alors que les bonheurs sont absolus une fois que l’on en est revenu. Reinhold Mesner, assurément le plus grand et le plus détestable des himalayistes répondait ainsi à la question du « pourquoi grimper et risquer sa vie ainsi? ». « Pour se sentir revenir à la vie après ».

Perdre du poids vous apparaît peut-être comme insurmontable, mais ne pensez pas à la difficulté d’aujourd’hui, mais au bonheur demain, d’avoir réussi.

mardi 10 février 2009

La prise en charge

Fin de ma période de dormance.

Après les derniers mois qui furent consacrés à me remettre de ma dernière montagne et à lancer quelques projets montagnards, je reviens à l'entretien, irrégulier, de ce blogue. Il est de ce blogue comme de mes plantes vertes : je ne l'entretien pas assez, mais ça veut vire et ça survit.

Aujourd'hui je voudrais vous parler de « prise en charge ». En effet, ma tête de turc préférée en matière d'obésité, la Coalition contre l'obésité morbide (lepoidsquitue.com), après sa propre période de dormance, vient de refaire une sortie pour s'insurger contre le fait que le gouvernement Ontarien fait appel à un chirurgien québécois pour pratiquer des chirurgies gastriques sur des obèses ontariens alors que les listes d'attente pour de telles chirurgies sont pleine au Québec.

Bon, mes lecteurs connaissent mon aversion pour le message véhiculé par cette coalition, mais je vous invite à consulter leur site et à vous faire une idée par vous-même. Je n'aime pas leur message, je le trouve même nuisible dans sa façon, mais c'est mon opinion personnelle. Ils prétendent que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) considère la chirurgie comme étant la seule méthode efficace pour lutter contre l'obésité morbide, alors que la position de l'OMS est beaucoup plus riche et nuancée et considère la chirurgie comme étant UNE solution efficace dans certains cas. ( Obésité : prévention et prise en charge de l'épidémie mondiale, OMS, Genève, 2003, 300 p.)

En fait l'OMS considère la  chirurgie comme étant une solution de dernier recours quand la prise en charge normale à échoué. Ce qui nous fait un bien long détour afin d'arriver au sujet d'aujourd'hui : la prise en charge.

Qu'est-ce que c'est? La prise en charge c'est l'ensemble des moyens entrepris afin de prévenir, limiter, contrecarrer et éliminer un problème de poids. Un ensemble de moyens qui sont toutefois placés sous la responsabilité de quelqu'un : parent, médecin, la personne elle-même etc. Par exemple, la chirurgie représente une prise en charge du problème d'obésité par le corps médical.

Pour moi la question importante étant : qui doit être responsable de cette prise en charge? Et la réponse elle-même étant tout aussi importante : la personne avec le problème de poids elle-même doit être responsable de cette prise en charge.

Comme je l'ai mentionné souvent, bien qu'il existe de nombreuses injustices sur terre quand au métabolisme de chacun, aux gros os et au sunday au chocolat, une fois que tu es gros, ce n'est pas le voisin qui va pouvoir maigrir pour toi, il ne sert à rien d'attendre après ça, on ne maigrit pas pour faire plaisir à son médecin, même pas pour faire plaisir à sa mère, mais bien pour soi.

Cependant ça ne veut pas dire que ça doit se faire seul. C'est sans doute là que le Québec est le plus déficient, pas dans la chirurgie, mais dans l'accompagnement, dans le soutien que devrait recevoir la personne qui désire se prendre en mains.  Ça , c'est plutôt pauvre. Si on devait se battre pour de meilleurs services aux obèses (et peut-être le devrait-on) on devrait surtout se battre pour de l'accompagnement, des psychologues, des groupes de soutien, de la sensibilisation, de vrais services, bien avant de se battre pour des tables d'opération. Parce que la chirurgie la plus efficace contre l'obésité, c'est bien celle qui ne sera jamais nécessaire.