vendredi 1 octobre 2010

Les nouveaux horizons

Ce matin j’ai pris quelques minutes pour regarder la comparution d’un de mes anciens patrons devant la commission Bastarache. Le sujet de cette commission m’intéresse peu, mais de revoir Paul Bégin, avec qui malheureusement je ne me suis pas entretenu depuis déjà quelques années, m’a ramené à une autre époque.
Il y a maintenant pas loin de 14 ans, Paul Bégin fut mon premier patron politique alors que je suis débarqué à Québec, sans grande expérience, rempli d’ambition et de prétention. Ce fut un grand patron, le meilleur que j’ai eu. Les années qui allaient suivre ne furent pas facile. Alors que je me racontais des bobards sur ma vie et mes fausses aspirations de bonheur, alors que mon tour de taille acquérait une circonférence inversement proportionnelle à mon estime personnelle, je brassais des dossiers et je conseillais Paul Bégin au meilleur de mes capacités. On travaillait fort et on travaillait fou, de 7 am à 10 pm presque tous les jours, mais on le faisait avec la confiance du Ministre.
Je vous épargne les illusions et toutes les fois où je me suis gonflé de prétention pour essayer de compenser pour mon inexpérience, ce n’est pas l’objet de mon propos. Éventuellement, j’ai frappé mon mur et mon corps m’a lâché, mes années d’abus m’ont rattrapé et m’ont dépassé en m’écrasant au passage. J’ai perdu cet emploi en politique parce que, essentiellement, je ne pouvais plus suivre physiquement, trop malade, trop épuisé, trop gros et j’ai coulé vers le fond. Quelques mois plus tard, j’étais chez-moi, au bout du rouleau, épuisé, découragé et avec un horizon bouché: j’allais mourir, c’était très clair.
Mais il y avait quand même une lueur vague sur cet horizon, un phare, la confiance que, peut-être, j’étais capable de faire quelque chose. J’étais au fond du trou, en pleine déchéance, mais je n’avais pas garder que l’épuisement de mes premières années en politique, j’avais aussi développé un peu de confiance parce que mon patron m’en avait démontré en me laissant piloter des dossiers importants. J’ai bâti sur cette étincelle de confiance et je peu dire sincèrement aujourd’hui, que même s’il ne le sait pas, Paul Bégin fait partie des gens qui m’ont donné les outils pour sauver ma vie.
On ne peut transmettre la confiance à quelqu’un, on ne peut que lui en démontré et lui laisser les conditions pour qu’il la développe lui-même ou elle même. Ce n’est pas parce que j’ai confiance en une personne qu’elle aura confiance en elle, mais si je lui en démontre, si je le dis, je lui laisse une chance de bâtir sa propre confiance et réaliser de grandes choses. C’est parce qu’un jour un ministre parfois un peu bougon m’a envoyé représenté le Québec dans une conférence fédérale-provinciale que j’ai par la suite grimpé des montagnes, que je suis passé des rencontres au sommet, aux sommets tout court.
De cette époque, je suis resté quelqu’un qui dit énormément sa confiance en l’autre, au risque de parfois être très fatiquant. Mes amis vous le dirons, quand j’aime et j’apprécie quelqu’un, je le dis haut, fort et souvent. Mais pour moi c’est important, il ne sert à rien d’avoir confiance en quelqu’un si on ne le démontre pas, si on ne le dit pas. Parce qu’un jour on m’a offert un peu de confiance, j’ai pu développer la mienne et m’ouvrir de nouveaux horizons, faire des choses que je n’aurais jamais cru possible. C’est le plus beau des cadeaux que je n’ai jamais reçu.

vendredi 6 août 2010

C'est particulièrement troublant

À lire dans La Presse d'aujourd'hui, un article sur un phénomène (heureusement limité)particulièrement dérangeant: les "gainers", qui est, à bien des égards, l'envers de l'anorexie.

À lire

J'ai travaillé près de 6 ans dans les services psychiatriques d'un grand hôpital montréalais. J'ai vu plusieurs dimensions de la maladie mentale et je peux comprendre la douleur psychique de celle-ci. Mais j'ai aussi connu l'obésité morbide et j'ai véritablement frôlé la mort de bien près par la grâce de ma fourchette. Il fut même une époque où j'engraissais de près de 10 à 15 livres par mois. Mais moi je n'y avais aucun plaisir, c'était une destruction systématique et continuelle. Et m'auto-détruire complètement est la seule chose que je suis vraiment content d'avoir échoué dans ma vie.

Alors quand je lis un article comme ça, je ne peux m'empêcher de penser à la souffrance terrible que ces gens doivent vivre pour en arriver là. Moi je suis allé très creux, dans un endroit d'où je ne croyais pas sincèrement revenir, et je ne me suis même pas approché de ça...alors j'en suis vraiment abasourdi.

dimanche 1 août 2010

à propos de l'impossible

Digression aujourd’hui. Mais, de toute façon, je digresse si souvent! Digression parce que je ne parlerai ni d’obésité, ni de montagne, du moins je ne crois pas. Petite réflexion volontairement ouverte en ce dimanche de soleil.

Donc cette semaine je suis allé au cirque voir ID du cirque Éloize. Bon spectacle, mais là n’est pas l’objet de mon propos. La mise en scène, qui se voulait urbaine et moderne, s’inspirait de West Side Story (film de Robert Wise, 1961) sur les amours impossibles de jeunes rattachés à des bandes rivales dans le New York des années 50. Une intrigue qui était elle-même une transposition de Roméo et Juliette de Shakespeare sur les amours impossibles des amants de Vérone qui était elle-même inspirée directement par Tristan et Iseult sur les amours impossibles de...enfin, vous voyez le topo. Le tout né dans les limbes de l’amour courtois du haut moyen âge (si certain veullent leur amour éternel, le concept d’amour lui-même est relativement récent, eh, que voulez-vous?) où la prémice de tout rapport amoureux était que celui-ci était impossible .

Bref, cette mise en scène m’a ramené à ce questionnement: existentiel: pourquoi sommes-nous si obsedés par l’échec amoureux? Pour ma part je sais que j’aurai beau m’essayer et m’acharner à 10 000 projets, il n’y aura jamais aucun domaine où j’aurai autant douloureusement échoué qu’a celui de l’amour. Et pourtant...je n’arrive pas à le regretter.

jeudi 22 juillet 2010

Se regarder le nombril

C’est fou comme tenir ce blogue m’amène a partager des choses affreusement intimes. Vous parler, pendant des lignes et des lignes, de mes plis de peau abdominaux, euh... feu mes plis de peau abdominaux, est un exercice particulièrement impudique. Utile pour certains je crois, mais particulièrement impudique. J’ai même pensé qu’il pourrait être utile de vous montrer mes photos avant/après (je les ai), mais disons que pour l’instant on va se garder une petite gène. Vous permettrez qu’a cette pensée je rougisse quelque peu devant l’écran de mon ordinateur; je ne suis pas si exhibitionniste quand même.

Cependant je ne me gène pas pour partager certaines pensées qui sont, sous certains aspects, beaucoup plus intimes que quelques photos d’une vieille chemise de peau beaucoup trop grande dont on se rentre les pans dans les pantalons pour en dissimuler les bouts qui pendouillent. Ou plutôt non, pas une chemise, un coton ouaté de peau. L’image est plus juste avec cette mauvaise coupe qui caractérise si souvent les cotons ouatés. J’avais quasiment même les petites mousses!

Mais je peux maintenant en parler au passé. Bien qu’il me faudra encore plusieurs semaines de cicatrisation, je ne porte maintenant plus ma gaine post-opératoire et je porte plutôt ma nouvelle silhouette, faite sur mesure, chez un tailleur de peau d’expérience qui m’a concocté un joli ventre 4 saisons. Ma panse n’étant plus pansée, je peux maintenant pensé que le pire est derrière moi. Ce qui est effectivement le cas car le devant, lui, vient d’être refait, donc le pire est effectivement derrière et le mieux, devant.

Suis-je content du résultat? Plus que je ne l’aurais espéré et celà étonnera sans doute plusieurs personnes a qui j’ai assommé les oreilles au cours des derniers mois avec mes angoisses abdominales. Peut-être est-ce cette transition rapide entre l’épiderme flasque et débordant d’il y a 4 semaines et le ventre plus plat que la Belgique d’aujourd’hui qui me souffle ainsi. Ou bien est-ce que, finalement, après des milliers d’heure de gymnase, de montagne, d’efforts, il y a finalement une partie de mon corps qui reflète mon investissement.

Mon ventre plat ne me rendra pas plus heureux. Je vivais assez bien avec l’ancien. Mais je me rends maintenant bien compte qu’il était devenu, lui aussi, une excuse. Que le symbole de succès qu’il était un temps, en racontant dans ma chair un peu trop flasque, mon combat contre l’obésité, était devenu un boulet dont je gérais le malaise. Une insatisfaction, un handicap social ( c’était bien tannant devoir tenir l’explication de l’ex obèse avant de se déshabiller devant quelqu’un, ça tue le mood ça) que je trainais.

Pourquoi était-il devenu ainsi? Parce que je pouvais y changer quelque chose et que je ne faisais rien. Erreur. J’avais oublié moi même une grande leçon que je pérore volontiers à bien des gens: si t’es pas content, ta seule responsabilité et d’essayer d’y changer quelque chose si tu peu. Je pouvais depuis un certain temps, et je ne faisais rien. C’est comme en montagne: tu n’es pas obligé de réussir, tu es seulement obligé d’essayer.

Enfin, nouveau ventre, nouvelle vie ? Non, on fait pas du neuf avec du vieux, mais ça fait une excuse de moins pour ne pas faire certaines choses, il m’en reste de moins en moins, je pense qu’il faudra bien que je finisse par faire quelque chose de bien avec tout ça...pas le choix.;)

dimanche 18 juillet 2010

Du meilleur et du pire

J’aime a penser, ou, du moins, à prétendre, que les montagnes sont des révélateurs. Que, dans l’atmosphère raréfié de l’altitude, dans la sueur et la douleur d’une longue grimpe, chacun se révèle tel qu’il est. Bon ou mauvais. C’est pour cela que je choisis mes compagnons et compagnes de grimpe avec le plus grand soin. C’est sans doute vrai de la montagne, mais aussi vrai de bien d’autres défis.

Mon opération, mon abdominoplastie, s’est très bien passée et a donné des résultats bien au delà de ce que je pouvais raisonnablement espérer. Le 29 juin dernier on m’a retirer près de 4 kg uniquement de peau excédentaire sur l’abdomen. Si on devait résumer le dernier mois et demie à ce simple fait, je crois que l’on pourrait prétendre, à juste titre, que ce fût un grand succès. Mais, comme pour les montagnes, ce n’est pas le résultat final, le succès ou l’échec, qui fait foi de tout; il y a le chemin pour s’y rendre.

Depuis maintenant près de 12 ans que j’ai entrepris de changer ma vie, toujours le processus, le chemin, qui m’a mené vers un objectif, fut beaucoup plus riche de satisfactions et d’enseignements que le résultat final. Souvent, d’ailleurs, le résultat en soi, est décevant. Certains aboutissements sont même carrément frauduleux quand on pense aux efforts investis. On se fait souvent avoir par soi-même si on mets tous ses espoirs dans le résultat final. Le profit est presque toujours ailleurs. Il en va de même pour mon opération.

Je dois avouer que les deux derniers mois furent parmi les plus difficiles de ma vie. Mais d’une difficulté que je ne soupçonnais pas, ou, du moins, que je sous-estimais grandement. Ce ne fut pas vraiment difficile physiquement, mon opération, bien que spectaculaire dans son étendue, ne fut pas particulièrement douloureuse et, bien que j’ai beaucoup souffert de la canicule, comme beaucoup de gens, ce ne fut pas la fin du monde non plus. Mais je dois avouer que, confronter à cette opération je me suis trouvé dans un état de vulnérabilité et de stress que je connais peu souvent. Habitué que je suis à prétendre avoir le contrôle sur ma vie, a prévoir tout, à savoir tout ce qu’il y a a savoir (au risque de ne comprendre rien de ce qu’il y a comprendre), je ne suis pas certain que j’étais bien prêt à faire face à la vulnérabilité qui va avec la démarche de l’abdominoplastie.

Un sentiment de vulnérabilité qui a fait ressortir un côté de moi que j’apprécie beaucoup moins, un côté insécure qui croît encore, quand les circonstances s’y prêtent, que s’il n’est pas au coeur de l’action il sera laissé de côté, que s’il n’est pas aux commandes, il ne sera même pas passager. Qu’il est infiniement oubliable comme à l’époque ou je réchauffais le banc au hockey .

Bref, j’ai broyé une bonne dose d’angoisse et assaisonner l’existence de certaines personnes autour de moi d’un comportement détestable dont moi-même je n’aurais pas supporté le quart. C’est comme si maintenant, mon nombril tout nouvellement refait, je n’avais pas été capable de prendre le recul nécessaire. Bref, je fut un peu trou de cul, parce que je suis tout à fait capable de l’être (le moins souvent possible je l’espère).

Enfin, les choses vont mieux, l’épreuve se termine, je me remets de mon opération et de ma surprise d'avoir trouvé tout ça pas mal plus difficile que prévu.

Chacun est capable du meilleur, mais parfois aussi chacun peut démontrer le pire et, parfois, peut-être est-ce nécessaire de le constater afin de se secouer les puces et de continuer à faire de soi quelque chose de bien, afin de pousuivre le chemin. C'est un travail quotidien.

dimanche 27 juin 2010

L'engagement

Je tiens ce blogue de façon plus ou moins assidue depuis un peu plus de trois ans. Dès ma première entrée j'ai écris sur les plis disgracieux de peau qui recouvrent mon ventre tel un ballon dégonflé. À l'époque, je soutenais avec conviction que j'avais appris à vivre avec ce surplus de peau et c'est encore le cas. Cependant depuis j'ai décidé de passer sous le bistouri afin d'en faire retirer une partie. Je ne me fais pas d'illusion, l'amélioration de l'apparence sera sans doute spectaculaire, mais bien incomplète.

En effet, il restera toujours mon dos, mes cuisses, mes fesses etc. Qui portent tous les marques de mon passé. Alors je ne deviendrai pas un Apollon du speedo (qui est un crime contre l'humanité chez 99% des hommes) et je n'irai pas afficher mon nouvel abdomen, qui aura bénéficier d'un couteux "bedaine-lift" sur les plages au mois d'août. On parle ici d'amélioration, on ne parle pas de miracle. De plus, je ne suis pas, comme j'élabore dans mon entrée précédente, très enthousiaste sur les résultats escomptés. Ça ne me rendra pas plus heureux, ou moins malheureux, au mieux ça me rendra plus confortable dans mes chemises, c'est tout. Alors pourquoi investir plus de 12 000$ là-dedans (non, malgré les légendes urbaines, la régie de l'assurance maladie ne couvre pas ce genre d'opération) , pourquoi le faire?

Parce que cela respecte un engagement pris il y a plus de 11 ans. Il y a 11 ans j'ai pris l'engagement de tenter de changer ma vie et de faire tout ce qui était en mon pouvoir pour y arriver. Je me suis trouver une belle tête de cochon et je l'ai mis à la poursuite d'un but: changer ma façon de vivre. Je ne l'ai pas fait pour devenir heureux, j'aurais été amèrement déçu. L'atteinte de l'objectif n'est jamais garantie et miser sur un hypothétique bonheur résultant de mes efforts aurait été une chimère et un leurre. Mais je sais que si je ne changeais pas ma vie, je ne l'atteindrais jamais ce bien être et ce bonheur. Je n'atteindrais jamais la rédemption que je cherchais et que je cherche encore.

Mais changer sa vie est une activité sans fin. La vie est un phénomène continue et quotidien. Changer sa vie implique de le faire tous les jours, pas de le faire pendant 3 semaines et d'arrêter. C'est un éternel recommencement que je fais chaque matin et, le jour ou je renoncerai, j'effacerai l'ensemble des efforts que j'ai fait pendant dix ans. Je le dis souvent: ce qui donne de la valeur à ce que j'ai fait hier est ce que je ferai demain matin. Sans demain, hier ne sert à rien.

Alors mardi je passerai sous le bistouri parce que j'en suis rendu là, parce que c'est l'étape suivante dans mon engagement. Si je ne le faisais pas, je ne serais pas plus malheureux, mais je finirais par le regretter. Et il n'existe pas de cure pour le regret, je suis bien placé pour le savoir.

Mercredi je ne serai pas plus heureux, je ne serai pas mieux dans ma plus courte peau, mais j'aurai fait un autre possible dans ma quête de l'impossible.

dimanche 13 juin 2010

Les grandes ambitions

J'ai grandi en me convainquant que j'étais né pour un petit pain, dans mon cas c'était plus une douzaine de petits pains avec beaucoup de beurre et du nutella, mais enfin, vous comprenez le principe. Pas d'avenir, pas d'ambition, pas de désir, donc pas de frustration. Ne pas désirer mieux, c'était se prémunir contre l'échec, on ne peut échouer ce que l'on ne tente pas n'est-ce pas?
Je ne pense pas être différent en cela de bien des gens. Pas nécessaire d'avoir été obèse pour ça. À chacun son fardeau, à chacun son excuse. Un jour, il y a maintenant une dizaine d'années, j'ai perdu la mienne et je dois bien avouer que, parfois, depuis, c'est moi qui se sent perdu.
Plusieurs personnes qui lisent ce blogue me soulignent régulièrement comment ils trouvent mon jugement clair et apprécient le côté « assumons nos responsabilités » de mes propos. Merci , mais ce côté là ressort a postériori, une fois l'expérience vécue et digérée, c'est plutôt facile d'avoir un bon jugement quand l'histoire est terminée. On comprend bien les indices de l'histoire quand on en connait la fin. Quand je suis dedans, je suis aussi dans le flou et confus que n'importe qui. Je suis présentent dans une telle situation où tout converge pour me brouiller la vision.
D'abord, dans maintenant deux semaines je vais passer sous le bistouri pour me faire retirer une partie de mon surplus de peau. Cette opération correspondra, au jour près, à mon 44ième anniversaire et la date fut choisie en conséquence. J'appréhende pas mal ce moment et surtout la convalescence qui me laissera sur le carreau pour quelques semaines en compagnie de moi-même pour seul distraction.
De plus, la dernière année fut fertile en frustrations, en échecs et en apprentissages divers. J'ai été bien souvent confronté à me demander ce que je désirais vraiment, ce que je recherchais et ce à tous les niveaux: professionnel, personnel, amoureux etc.
Si on peut perdre du poids, on ne se libère jamais complètement de son fardeau. La plus grande cicatrice que je porte n'est pas dans la peau flasque de mon ventre, de mes cuisses, de mon dos même, mais entre mes deux oreilles, et ça aucune opération ou convalescence n'arrangera la chose. Je me rends de plus en plus compte que , si j'ai grandi dans la peur du regard et du jugement de l'Autre, j'ai toujours autant, sinon plus, besoin de son regard et de son jugement pour m'accomplir. J'ai beau être allé plus loin que je n'aurais jamais osé espérer, avoir eu le Monde à mes pieds par un soir calme sur une montagne en Alaska (le moment le plus magique que l'on puisse imaginer), mes triomphes, mes victoires, ne me satisfont jamais longtemps.
J'ai encore bien souvent un jugement parfaitement et terriblement sévère à mon endroit. Au fond, je ne considère pas vraiment que je mérite de triompher. Trop paresseux, trop complaisant, trop longtemps. Alors je cherche l'Autre dont le regard me donnera la permission de triompher, qui me fera sentir important, essentiel même. Parce que, par moi-même, je n'arrive pas à me convaincre complètement. Je n'ai décidément pas changé, tout ce que je fais de différent entre le moi de maintenant et le moi d'il y a dix ans est que j'ai appris à me battre malgré tout, malgré le doute, malgré la certitude quelque part que ce ne sera jamais fini.
On ne peut se changer, on peut seulement changer sa vie, mais c'est quelque chose qui ne termine jamais. Quand on entreprend de le faire aujourd'hui, il faudra aussi être près à le faire demain.
Je sais que ça peut avoir l'air affreusement pessimiste comme ça, mais c'est tout le contraire. Parce que, quelque part, continuer de se battre, progresser malgré les difficultés, ne pas baisser les bras, c'est triompher. Non dans l'instant de l'exploit, mais dans la durée. La force n'est pas de ne pas avoir de doute, mais de continuer malgré ceux-ci.
Dans deux semaines j'échangerai des cicatrices physiques pour d'autres, puis rien n'aura changé, et je continuerai à me battre pour trouver quelque chose que sans doute je n'obtiendrai jamais. Mais au fonds ce n'est pas ça qui compte, ce qui compte c'est que j'ai, malgré tout, le goût de continuer de me battre, au fonds, malgré le doute, si j'ai le goût c'est que j'en vaux la peine....

dimanche 4 avril 2010

La montagne donne, la montagne reprend

Nouvelle tragique en ce début de printemps. Heidi Kloos, celle qui dirigeait notre expédition au Dénali en 2008 et avec qui j'ai eu l'honneur de partager une corde pendant près de 3 semaines sur le sommet de l'Amérique du Nord, est décédée dans une avalanche près de chez elle au Colorado. Accident bête, Heidi était la prudence même. Une véritable force de la nature, je me souviens d'une femme qui n'était pleinement à l'aise que sur une montagne. Une femme ultra-forte, mais en même temps d'une gentillesse incroyable.

De nombreux grimpeurs continueront à grimper ces sommets qu'elle guidait régulièrement: Aconcagua, Dénali etc même si elle n'est plus là pour les guider et ils ne sauront ce qu'ils manqueront...moi je sais. Salut Heidi

mercredi 3 mars 2010

Persévérance et acharnement

J’ai le plus grand respect, même de l’admiration, pour la persévérance. Cette force, cette confiance, qui vous permet de conserver le cap et de tendre vers votre objectif malgré le doute, les difficultés et l’adversité. Je suis, sur certains aspects, l’être le plus persévérant que je connaisse, le plus entêté, cet entêtement n’est pas toujours un défaut, dans mon cas ce fut la différence entre la vie et la mort et je béni ma tête de cochon chaque jour depuis qu’elle ma arrachée à la fin certaine que j’avais dessinée pour moi-même. Mais je sais aussi que cette persévérance peut mener à l’acharnement et l’acharnement peut être extrêmement destructeur, là où la persévérance construit patiemment, l’acharnement use et détruit assurément.

Cette entrée de blogue m’est inspirée en bonne partie par une conversation que j’ai eue avec une personne rare et précieuse près de moi et qui traverse certaines difficultés. Il n’y avait rien à dire, alors je n’ai rien dit, ce qui m’a sûrement évité de dire des âneries, mais je n’ai rien dis aussi vraiment parce que je suis incapable de porter un jugement sur la vie et le comportement des autres, sur leur choix, plus la personne est proche et moins je me sens à l’aise. Sans doute est-ce parce que je me suis trop longtemps senti jugé, ou plutôt avais-je trop peur de voir confirmé, dans les yeux des autres, les jugements et les sentences que je m’imposais. Enfin, toujours est-il, que je préfère beaucoup plus parler de mon expérience personnelle, de mon point de vue, que de tenter de les appliquer sur la vie des autres. Je ne parle bien que ce que je connais et je connais surtout ce que j’ai vécu, alors l’équation est simple.

Donc cette conversation m’a amené à réfléchir sur la différence entre la persévérance et l’acharnement, sur le renoncement et l’abandon. La persévérance d’abord parce qu’elle est essentielle, salvatrice, magnifique. La persévérance est ce qui donne de la valeur à votre vie et à vos entreprises. Vous vous donnez des objectifs et vous persévérez dans leur atteinte et c’est beaucoup ça qui donne toute sa valeur à cet objectif. Ce but sera encore plus beau parce que vous avez persévérez, parce que, devant l’obstacle, vous avez poursuivit l’effort. L’effort, est porteur de sa propre récompense. L’intensité de l’effort que vous investissez devient le vibrant témoignage de votre foi en vous-même. La vie c’est le mouvement et nos actions sont notre souffle, je l’ai déjà écrit souvent : persévérez, c’est déjà, pour beaucoup, réussir.

Tranquillement vous apprenez à mesurer votre valeur face à l’obstacle. Vous persévérez et vous apprenez à dépasser vos attentes, à dépasser celles des autres aussi. Vous êtes la rivière qui avance et gruge tranquillement l’obstacle, vous savez qu’avec suffisamment d’effort et de temps, le roc cède le pas à l’eau, vous devenez la rivière.

Mais le côté pervers de la chose vous attend dans un méandre là-bas. Vous vous mettez à croire que seule votre valeur personnelle et votre volonté peuvent venir à bout de tous les obstacles. Votre réussite n’est plus le jugement de la valeur que vous accordez à un objectif, elle devient le jugement de votre valeur à vous. Le roc se fait plus dur et vous vous obstinez; vous avez appris que vous pouviez réussir, alors la persévérance devient de l’acharnement, vous ne voyez plus rien d’autre que le roc qui vous bloque le chemin. Vous n’avancez plus, ce mouvement qui vous animait, ce souffle, devient une ancre. Par une étrange tournure des choses, vous inversez les rôles, car vous ne progressez plus, vous êtes désormais le roc au milieu de la rivière et votre persévérance qui vous faisait avancer est maintenant l’acharnement qui vous use. Désormais, vous avez perdu l’objectif si précieux de vue, vous ne voyez plus que l’obstacle dont vous voulez triompher. Vous alliez où déjà? Vous vouliez quoi au départ? Votre perspective est faussée par l’obstacle.

Vous ne voyez plus l’objectif, vous voyez seulement l’investissement en efforts que vous y avez mis, plus vous en mettez, plus cela devient la justification d’en mettre encore, c’est le syndrome de la voiture usagée. Vous devez changer le moteur sur votre minoune pour un montant prohibitif et votre principale justification est que vous ne pouvez pas ne pas le faire parce que vous venez à peine de faire refaire les freins, c’est un cercle vicieux. Plus on investit, plus on veut récupérer cet investissement, plus on récolte seulement des miettes. Plus de joies, seulement un peu, parfois de soulagement et le mirage d’un semblant de réussite.

Pour moi qui grimpe des montagnes, ou qui prétend les grimper, c’est perdre l’ensemble de ‘expérience de vue pour ne garder que celui du sommet à tout prix. Penser que, quelque part, dans un univers quelconque, la perte d’un orteil, d’un doigt, de la vie, vaut un petit bout de neige au sommet d’une montagne. Ce n’est jamais, jamais le cas.

Ce n’est pas très différent des joueurs compulsifs, on devient persuadé que la machine dans laquelle on a tant mis va finir par payer et on ose plus quitter la table, parce que ce sera peut-être la prochaine mise, sinon celle d’après. Mais plus on s’acharne, plus on perd. Jamais on ne retrouvera sa mise.

La limite est extrêmement difficile à tracer c’est certain et bien peu de gens arrivent à le faire avant de l’avoir dépassée de très loin. On ne peut espérer avancer et ne jamais la franchir, on peut seulement espérer avoir la sagesse de le reconnaître et la force de se lever de table. Car si persévérer est déjà une grande part du succès, renoncer, attention pas abandonner, renoncer à s’acharner est une grande part de victoire.

Et, renoncer devant l’impossible pour préserver sa capacité de réussir demain, ce n’est pas abandonner, ça demande un courage certain que j’admire et admirerai toujours encore plus que la persévérance.

J'espère avoir ce courage

jeudi 28 janvier 2010

Le bon vieux retour du même (merci Yves)


J'ai une certaine difficulté à retrouver mes repères depuis que je suis revenu de ma montagne. Comme les marins qui débarquent, j'ai la démarche hésitante.Je voudrais pouvoir étirer mon bras dans le temps pour aller y saisir ma prochaine montagne et, tirant dessus de toutes mes forces, la ramener à moi, la rendre immédiate. Je voudrais pouvoir tirer un fil entre mes sommets et, tel un funambule, passer de l'un à l'autre sans en redescendre parce qu'aussitôt que je ne me défi plus, je ne me sens démuni. Je vous l'avoue, le quotidien parfois m'intimide plus qu'une crevasse et me motive autant qu'un touché rectal chez le médecin.

Maigrir de près de 100 kg et atteindre un haut sommet on beaucoup en commun, je vous l'ai souvent écris. Parmi ces choses il y a la clarté de l'objectif. D'un certain côté, maigrir de 100 kg est plus simple (et non plus facile) que de maigrir de 5 kg, le rappel de l'objectif est présent, constant, il s'impose de lui-même. La même chose pour une montagne, l'objectif reste un point géographique précis que l'on cherche a atteindre, la voie peu varier, mais il n'y a que deux directions: vers le haut ou vers le bas, maigrir ou mourir.

Je ne regrette pas une seule seconde de mes années d'obésité, elles ont fait de moi une meilleure personne, mais, justement, elles ont fait de moi ce que je suis. L'obésité est ma culture, j'ai appris à voir le monde au travers des yeux et l'impuissance est ma langue maternelle et j'en ai toujours gardé l'accent. Aussitôt que je ralenti, j'ai l'impression que je vais m'enliser, que je ne serai plus capable de réussir. J'ai besoin de défis pour y prendre ma mesure, y jauger ma valeur. Seul le défi me donne la confiance nécessaire afin de faire face au quotidien.

Entre mes montagnes, c'est le bon vieux retour du même, mêmes problèmes, mêmes échecs, mêmes frustrations. Le monde ne change pas entre mes montagnes, je ne change pas, seule ma vision du monde et de ma capacité d'en faire quelque chose qui elle est changée. Mais elle n'est pas changée par le succès d'hier, avoir triomphé hier ne vaut rien si je ne cherche pas encore à triompher demain, elle est changée par ma capacité à croire que je pourrai réussir encore demain.

Si demain je reste assis, j'enlève toute valeur à ce que j'ai réussi hier, c'est l'avenir et ce que j'en fais qui donne un sens au passé. Si demain je reste assis, alors 25 ans d'obésité morbide auront été gaspillés. L'âme de quelque chose, en latin anima , c'est ce qui l'anime, ce qui le fait bouger, le mouvement c'est la vie.

En faits, voilà, c'est ça qui me manquait, une destination, un objectif, une démarche. Quelque chose, quelque part. Voilà, ce sera le Spantik, 7027 m en 2011.

L'important n'est pas d'avoir les moyens de son ambition, mais de se donner l'ambition de ses moyens.