jeudi 28 janvier 2010

Le bon vieux retour du même (merci Yves)


J'ai une certaine difficulté à retrouver mes repères depuis que je suis revenu de ma montagne. Comme les marins qui débarquent, j'ai la démarche hésitante.Je voudrais pouvoir étirer mon bras dans le temps pour aller y saisir ma prochaine montagne et, tirant dessus de toutes mes forces, la ramener à moi, la rendre immédiate. Je voudrais pouvoir tirer un fil entre mes sommets et, tel un funambule, passer de l'un à l'autre sans en redescendre parce qu'aussitôt que je ne me défi plus, je ne me sens démuni. Je vous l'avoue, le quotidien parfois m'intimide plus qu'une crevasse et me motive autant qu'un touché rectal chez le médecin.

Maigrir de près de 100 kg et atteindre un haut sommet on beaucoup en commun, je vous l'ai souvent écris. Parmi ces choses il y a la clarté de l'objectif. D'un certain côté, maigrir de 100 kg est plus simple (et non plus facile) que de maigrir de 5 kg, le rappel de l'objectif est présent, constant, il s'impose de lui-même. La même chose pour une montagne, l'objectif reste un point géographique précis que l'on cherche a atteindre, la voie peu varier, mais il n'y a que deux directions: vers le haut ou vers le bas, maigrir ou mourir.

Je ne regrette pas une seule seconde de mes années d'obésité, elles ont fait de moi une meilleure personne, mais, justement, elles ont fait de moi ce que je suis. L'obésité est ma culture, j'ai appris à voir le monde au travers des yeux et l'impuissance est ma langue maternelle et j'en ai toujours gardé l'accent. Aussitôt que je ralenti, j'ai l'impression que je vais m'enliser, que je ne serai plus capable de réussir. J'ai besoin de défis pour y prendre ma mesure, y jauger ma valeur. Seul le défi me donne la confiance nécessaire afin de faire face au quotidien.

Entre mes montagnes, c'est le bon vieux retour du même, mêmes problèmes, mêmes échecs, mêmes frustrations. Le monde ne change pas entre mes montagnes, je ne change pas, seule ma vision du monde et de ma capacité d'en faire quelque chose qui elle est changée. Mais elle n'est pas changée par le succès d'hier, avoir triomphé hier ne vaut rien si je ne cherche pas encore à triompher demain, elle est changée par ma capacité à croire que je pourrai réussir encore demain.

Si demain je reste assis, j'enlève toute valeur à ce que j'ai réussi hier, c'est l'avenir et ce que j'en fais qui donne un sens au passé. Si demain je reste assis, alors 25 ans d'obésité morbide auront été gaspillés. L'âme de quelque chose, en latin anima , c'est ce qui l'anime, ce qui le fait bouger, le mouvement c'est la vie.

En faits, voilà, c'est ça qui me manquait, une destination, un objectif, une démarche. Quelque chose, quelque part. Voilà, ce sera le Spantik, 7027 m en 2011.

L'important n'est pas d'avoir les moyens de son ambition, mais de se donner l'ambition de ses moyens.