dimanche 27 juin 2010

L'engagement

Je tiens ce blogue de façon plus ou moins assidue depuis un peu plus de trois ans. Dès ma première entrée j'ai écris sur les plis disgracieux de peau qui recouvrent mon ventre tel un ballon dégonflé. À l'époque, je soutenais avec conviction que j'avais appris à vivre avec ce surplus de peau et c'est encore le cas. Cependant depuis j'ai décidé de passer sous le bistouri afin d'en faire retirer une partie. Je ne me fais pas d'illusion, l'amélioration de l'apparence sera sans doute spectaculaire, mais bien incomplète.

En effet, il restera toujours mon dos, mes cuisses, mes fesses etc. Qui portent tous les marques de mon passé. Alors je ne deviendrai pas un Apollon du speedo (qui est un crime contre l'humanité chez 99% des hommes) et je n'irai pas afficher mon nouvel abdomen, qui aura bénéficier d'un couteux "bedaine-lift" sur les plages au mois d'août. On parle ici d'amélioration, on ne parle pas de miracle. De plus, je ne suis pas, comme j'élabore dans mon entrée précédente, très enthousiaste sur les résultats escomptés. Ça ne me rendra pas plus heureux, ou moins malheureux, au mieux ça me rendra plus confortable dans mes chemises, c'est tout. Alors pourquoi investir plus de 12 000$ là-dedans (non, malgré les légendes urbaines, la régie de l'assurance maladie ne couvre pas ce genre d'opération) , pourquoi le faire?

Parce que cela respecte un engagement pris il y a plus de 11 ans. Il y a 11 ans j'ai pris l'engagement de tenter de changer ma vie et de faire tout ce qui était en mon pouvoir pour y arriver. Je me suis trouver une belle tête de cochon et je l'ai mis à la poursuite d'un but: changer ma façon de vivre. Je ne l'ai pas fait pour devenir heureux, j'aurais été amèrement déçu. L'atteinte de l'objectif n'est jamais garantie et miser sur un hypothétique bonheur résultant de mes efforts aurait été une chimère et un leurre. Mais je sais que si je ne changeais pas ma vie, je ne l'atteindrais jamais ce bien être et ce bonheur. Je n'atteindrais jamais la rédemption que je cherchais et que je cherche encore.

Mais changer sa vie est une activité sans fin. La vie est un phénomène continue et quotidien. Changer sa vie implique de le faire tous les jours, pas de le faire pendant 3 semaines et d'arrêter. C'est un éternel recommencement que je fais chaque matin et, le jour ou je renoncerai, j'effacerai l'ensemble des efforts que j'ai fait pendant dix ans. Je le dis souvent: ce qui donne de la valeur à ce que j'ai fait hier est ce que je ferai demain matin. Sans demain, hier ne sert à rien.

Alors mardi je passerai sous le bistouri parce que j'en suis rendu là, parce que c'est l'étape suivante dans mon engagement. Si je ne le faisais pas, je ne serais pas plus malheureux, mais je finirais par le regretter. Et il n'existe pas de cure pour le regret, je suis bien placé pour le savoir.

Mercredi je ne serai pas plus heureux, je ne serai pas mieux dans ma plus courte peau, mais j'aurai fait un autre possible dans ma quête de l'impossible.

dimanche 13 juin 2010

Les grandes ambitions

J'ai grandi en me convainquant que j'étais né pour un petit pain, dans mon cas c'était plus une douzaine de petits pains avec beaucoup de beurre et du nutella, mais enfin, vous comprenez le principe. Pas d'avenir, pas d'ambition, pas de désir, donc pas de frustration. Ne pas désirer mieux, c'était se prémunir contre l'échec, on ne peut échouer ce que l'on ne tente pas n'est-ce pas?
Je ne pense pas être différent en cela de bien des gens. Pas nécessaire d'avoir été obèse pour ça. À chacun son fardeau, à chacun son excuse. Un jour, il y a maintenant une dizaine d'années, j'ai perdu la mienne et je dois bien avouer que, parfois, depuis, c'est moi qui se sent perdu.
Plusieurs personnes qui lisent ce blogue me soulignent régulièrement comment ils trouvent mon jugement clair et apprécient le côté « assumons nos responsabilités » de mes propos. Merci , mais ce côté là ressort a postériori, une fois l'expérience vécue et digérée, c'est plutôt facile d'avoir un bon jugement quand l'histoire est terminée. On comprend bien les indices de l'histoire quand on en connait la fin. Quand je suis dedans, je suis aussi dans le flou et confus que n'importe qui. Je suis présentent dans une telle situation où tout converge pour me brouiller la vision.
D'abord, dans maintenant deux semaines je vais passer sous le bistouri pour me faire retirer une partie de mon surplus de peau. Cette opération correspondra, au jour près, à mon 44ième anniversaire et la date fut choisie en conséquence. J'appréhende pas mal ce moment et surtout la convalescence qui me laissera sur le carreau pour quelques semaines en compagnie de moi-même pour seul distraction.
De plus, la dernière année fut fertile en frustrations, en échecs et en apprentissages divers. J'ai été bien souvent confronté à me demander ce que je désirais vraiment, ce que je recherchais et ce à tous les niveaux: professionnel, personnel, amoureux etc.
Si on peut perdre du poids, on ne se libère jamais complètement de son fardeau. La plus grande cicatrice que je porte n'est pas dans la peau flasque de mon ventre, de mes cuisses, de mon dos même, mais entre mes deux oreilles, et ça aucune opération ou convalescence n'arrangera la chose. Je me rends de plus en plus compte que , si j'ai grandi dans la peur du regard et du jugement de l'Autre, j'ai toujours autant, sinon plus, besoin de son regard et de son jugement pour m'accomplir. J'ai beau être allé plus loin que je n'aurais jamais osé espérer, avoir eu le Monde à mes pieds par un soir calme sur une montagne en Alaska (le moment le plus magique que l'on puisse imaginer), mes triomphes, mes victoires, ne me satisfont jamais longtemps.
J'ai encore bien souvent un jugement parfaitement et terriblement sévère à mon endroit. Au fond, je ne considère pas vraiment que je mérite de triompher. Trop paresseux, trop complaisant, trop longtemps. Alors je cherche l'Autre dont le regard me donnera la permission de triompher, qui me fera sentir important, essentiel même. Parce que, par moi-même, je n'arrive pas à me convaincre complètement. Je n'ai décidément pas changé, tout ce que je fais de différent entre le moi de maintenant et le moi d'il y a dix ans est que j'ai appris à me battre malgré tout, malgré le doute, malgré la certitude quelque part que ce ne sera jamais fini.
On ne peut se changer, on peut seulement changer sa vie, mais c'est quelque chose qui ne termine jamais. Quand on entreprend de le faire aujourd'hui, il faudra aussi être près à le faire demain.
Je sais que ça peut avoir l'air affreusement pessimiste comme ça, mais c'est tout le contraire. Parce que, quelque part, continuer de se battre, progresser malgré les difficultés, ne pas baisser les bras, c'est triompher. Non dans l'instant de l'exploit, mais dans la durée. La force n'est pas de ne pas avoir de doute, mais de continuer malgré ceux-ci.
Dans deux semaines j'échangerai des cicatrices physiques pour d'autres, puis rien n'aura changé, et je continuerai à me battre pour trouver quelque chose que sans doute je n'obtiendrai jamais. Mais au fonds ce n'est pas ça qui compte, ce qui compte c'est que j'ai, malgré tout, le goût de continuer de me battre, au fonds, malgré le doute, si j'ai le goût c'est que j'en vaux la peine....