samedi 16 juin 2007

Et la montagne dans tout ça?


Oui, la montagne.

J'ai eu l'occasion de gravir des montagnes avec des gens qui le faisaient pour différentes raisons: pour le défi, pour l'exploit, pour briser la routine ou pour bien d'autres raisons. J'ai aussi eu l'occasion de grimper avec des gens qui n'aimaient pas la montagne et c'est à se demander pourquoi ils et elles le faisaient. Pour cocher ça sur une liste sans-doute: ok , fait, on passe à la suivante et il faut que j'achète du lait en revenant. Rien de plus.

Mais, pour moi, la montagne c'est pas mal plus que ça, c'est aussi beaucoup une allégorie de la vie. La plupart du temps le but en est très simple: un objectif, un sommet, mais pour y parvenir de nombreux sentiers ou voies que l'on choisira en fonction d'intérêts divers: pour le paysage, le défi, le plaisir etc. Donc si le but est unique, atteindre le sommet, les voies pour parvennir peuvent être nombreuses. De plus certains verront leur succès dans la mesure où ils auront atteint le sommet, alors que d'autres le trouveront dans le trajet pour y parvennir. De toute façon le sommet peut difficilement être l'aboutissement ultime: encore faut-il en redescendre, ce n'est que la moitié du chemin.

Aussi en montagne, comme dans la vie, nous n'avons qu'une obligation: essayer. Personne n'est obligé d'atteindre la cîme, mais tous doivent au moins tenter d'avancer. Si on cesse de tenter de progresser alors la montagne perd tout son sens. C'est dans la volonté de progresser que réside le sens.

Enfin j'ai aussi souvent prétendu que la montagne était une magnifique activité pour plonger en soi-même et retrouver un peu de son essence. Quand les cuisses sont douloureuses, que le souffle devient court et le chemin bien long et que chaque pas que l'on fait nous éloigne du confort et allonge d'autant notre chemin de retour, on se retrouve avec ce qu'il y a en nous, si c'est la paix, nous retrouvons cette paix, si c'est le trouble, nous retrouvons ce trouble. Pourquoi j'aime la montagne? J'aime la paix.

mercredi 6 juin 2007

Mon manifeste


J’ai eu divers problèmes de surplus de poids de l’âge de 6 ans à 32 ans, soit 26 ans de régimes, d’abandons, de frustrations et de variations de tour de taille. Successivement j’étais gros, j’étais rond, j’étais enveloppé et j’étais aussi victime d’obésité morbide, bien que je m’interroge sur le terme de victime.

Un jour, il y’a donc près de 9 ans, certaines choses ont changées, je suis passé d’un poids de 190kg à 90 kg, j’ai donc perdu la moitié de ma masse corporelle. Bien entendu j’ai changé mes habitudes alimentaires, j’ai fais de l’exercice, j’ai suivi un certain plan pour maigrir, mais ce n’est pas ce que je veux raconter ici. Je veux raconter un peu mon cheminement qui m’a mené à aujourd’hui et à accomplir ce que j’ai accompli pour, peut-être, inspirer quelqu’un à faire, pour lui-même, ce que j’ai fait pour moi. Également si mes écrits peuvent aider quelqu’un a éviter des erreurs coûteuses, ce sera toujours ça de gagné.

Vous ne trouverez pas ici de trucs pour maigrir. Parce que ça n’existe pas les trucs pour maigrir de 50, 75 ou 100 kg. Peut-être que l’on peut perdre 1 ou 2 kg avec des trucs, mais pas des dizaines. Perdre une telle masse, de façon durable, commence entre les deux oreilles et chacun aura sa méthode plus ou moins efficace.

Je n’ai pas l’intention de faire la leçon à personne, rien ne me donne ce droit. Ma seule compétence en matière d’obésité c’est de l’avoir visitée de fonds en combles et d’en être revenu. L’Enfer existe, j’en reviens. Pas un enfer de souffrances aigues, non, il y en a des pires et d’autres ont souffert beaucoup plus que moi, mais un enfer de douleurs sourdes. Vous savez, celles qui suivent la blessure, celle qui reste après le choc, une douleur constante, une douleur d’infection.

Je l’expliquerai plus loin, mais je ne regrette pas 10 secondes du temps où j’étais obèse, curieusement je crois que cela a fait de moi quelqu’un de meilleur, mais je n’y retournerais pour rien au monde. Après tout, j’ai vécu le fantasme de bien des amateurs de science-fiction : j’ai vécu dans une autre dimension, mais je n’imaginais pas que ce serait la dimension XXXXXL.

Considérations sur l’obésité

Je crois aux dispositions génétiques, aux problèmes physiologiques et aux antécédents familiaux. Cependant je demeure convaincu que l’obésité est surtout un symptôme, une manifestation physique, d’un mal de vivre plus ou moins profond. Avoir un surplus de poids est une chose, je crois que l’on peut avoir des kilos en trop et être bien dans sa peau, Je suis cependant convaincu que l’on ne peut pas être atteint d’obésité morbide et être heureux. Le malaise physique, le malaise social, sont trop grands pour permettre le bonheur. L’obésité morbide n’est pas une manière de vivre, c’est une manière de mourir. Quand on est atteint d’obésité morbide, on meure au jour le jour, tranquillement, à feu doux.

Et, moi, je mourrais aussi. Entretenir une telle obésité c’est faire du suicide en longueur et c’est ce que je faisais, tout en ne m’attaquant pas à ce qui me donnait cette pulsion d’autodestruction. J’étais convaincu, à tors, que mon problème venait de mon poids. Et c’est très facile d’en être convaincu.

Nous vivons dans une société d’images où l’apparence physique prend le pas sur beaucoup d’autres considérations. On voit donc le problème de poids et on croit que c’est le problème, alors que le mal est souvent tout autre. Je ne veux pas tenir ici le discours «les gens sont si superficiels», moi aussi je l’étais, moi aussi je croyais que mon problème en étais un de poids, que les régimes allaient m’apporter la solution. Je me suis longtemps convaincu que l’obésité était la source de mes problèmes et de mes malaises et non la conséquence. Mon obésité était un écran de fumée, une illusion que j’entretenais moi-même.

L’obésité est un trouble pernicieux à véritablement débusquer. Contrairement à d’autres névroses, car je considère cela beaucoup comme une névrose, elle est évidente. L’entourage « voit » le trouble intérieur et y fait une fixation. À un ami dépressif on dira volontiers « as-tu consulté? », à un ami obèse on dira « as-tu pensé à un régime? » alors qu’au fond ce n’est qu’une fausse réponse. On m’a suggéré et j’ai essayé tous les régimes possibles et imaginables, je ne peux entendre, aujourd’hui, le nom de Montignac sans avoir un haut le cœur d’exaspération. Parce que les régimes pour moi ne servaient à rien, mon obésité prenait son origine entre les deux oreilles, c’était mon écran de fumée.

C’était un écran de fumée, mais c’était aussi un appel à l’aide. Mon corps ne faisait que traduire physiquement mon mal intérieur. Encore aujourd’hui j’ai de la difficulté à me voir sur des photos de cette époque. Pas parce que je me trouve repoussant, non, parce que ça me ramène à comment je me sentais et je demande comment j’ai pu le supporter si longtemps. Quand je me vois il y’a 9 ou 10 ans je ne vois pas l’obèse, je vois le gars mal dans sa peau et ça me frappe en pleine face à chaque fois. Et c’est ce mal qui était la cause de mon obésité, qui, au fond, n’était qu’un cri de détresse.

Un cri que je poussais depuis longtemps. Parce que, comme beaucoup d’enfants, un jour ou l’autre, j’ai appris à calmer mon angoisse en mangeant. Mais, pour moi, au lieu de ne faire que passer par ce stade, je m’y suis installé pour de bon et j’ai géré mon mal de vivre à coups de fourchette. Rapidement j’ai pris du poids et, tout aussi rapidement, on m’a mis au régime. J’ai donc appris très tôt à détourner mon attention du véritable problème.

Parce que l’obésité est une diversion et une magnifique excuse. Elle a le dos très large et c’est le cas de le dire. Des obèses ont attend qu’ils se mettent au régime, c’est clair et on leur apprends que c’est ça leur rôle dans la société : chercher à maigrir. Moi-même je m’étais mis à croire que rien ne m’était possible parce que j’étais obèse. Je n’essayais même plus. J’ai passé littéralement des années sans oser aborder une seule femme qui me plaisait parce que j’étais certain que ça ne marcherait pas parce que j’étais obèse. Alors que mes histoires d’amour, quand j’en vivais, ne marchaient pas tout simplement parce que je n’étais pas bien dans ma peau. Comment voulez-vous être bien avec quelqu’un si vous n’êtes pas bien avec vous-même?

Quand on est obèse on apprend rapidement à ne pas se confronter à la réalité, à essayer d’oublier ce que l’on croit être. On évite les photos, on accélère devant les miroirs, on ne désire plus rien pour ne pas être frustré, on vit dans une espèce d’engourdissement permanent, pour ne rien sentir, pour ne pas souffrir. On apprend même à bouger pour ne pas être confronté à son tour de taille. Moi-même, ça m’a prit des années avant de me lancer à louvoyer entre des tables au restaurant ou dans un bar par peur de demander aux gens de se déplacer et de voir la réprobation dans leur regard. J’étais tellement convaincu que j’allais tout échouer que je n’essayais presque plus rien.

Je mettais mes échecs sur mon tour de taille, c’était facile, c’était évident. Je ne pense pas être différent de ceux qui ont d’autres problèmes. Il est tellement facile pour nous tous d’utiliser l’approche de l’aspirine. Prendre une petite pilule qui calmera le mal pour un temps et, quand le mal revient plus fort, penser que le problème c’est que la pilule n’est pas assez forte plutôt que de chercher la cause. Alors que le véritable enjeux il est là : dans la cause du désordre alimentaire, dans notre rapport à la nourriture, le trouver et y faire face c’est le début de la solution.

Parce que j’ai commencé à maigrir efficacement quand j’ai commencé à régler le problème qui était à la source de mon obésité. De plus, j’ai entrepris de maigrir, il y a près de 9 ans, en sachant pertinemment que ce n’est pas ça qui règlerait mon problème, mais que je n’aurais alors plus d’excuse, que je ne pourrais plus me faire croire que mon malaise était une question de poids. Parce qu’il faut prendre conscience que si on maigrit sans s’attaquer à la racine du problème, on se condamne a recommencer.


Je le savais parce que j’avais déjà réalisé mon tour de magie en faisant disparaître à l’époque plus de 50 kg pour me retrouver à 85 kg quand j’avais 28 ans. Cependant ce n’était pas un numéro de magie, mais un numéro d’illusionniste. Même svelte j’étais encore aussi mal dans ma peau, j’avais encore le même malaise qui m’habitait et je ne comprenais pas pourquoi. Imaginez un peu ma désillusion : j’avais fait tout ce que je croyais nécessaire pour être heureux, j’avais mobilisé des efforts considérables pour atteindre ce but, tout ça pour me retrouver aussi malheureux à l’arrivée qu’au départ.


Inutile de vous préciser que ma chute fut brutale et, aussi, spectaculaire. En quelques années j’ai atteint, de nouveau, un poids absolument démesuré. Pensez-y, je portais du 78 de pantalons, j’avais un tour de taille plus important que ma grandeur, même les boutiques spécialisées ne pouvaient plus m’habiller. Lacer mes chaussures était devenu un sport extrême. De plus je fumais comme un déchaîné plus de deux paquets de cigarettes par jour. Il faut croire que mon suicide en longueur prenait trop de temps à mon goût, j’allais mourir à plus ou moins court terme.

Qu’est-ce qui m’a sauvé? La lassitude de la fuite et l’épuisement, tout simplement. Voyez-vous, je savais maintenant que l’obésité n’était qu’une diversion, je ne pouvais plus lui mettre tout sur le dos. Sans diversion on peut tourner longtemps autour du pot, mais un jour, il faut faire face.

Pour moi ce jour est arrivé il y’a 10 ans après que j’ai perdu mon emploi dans des circonstances difficiles et que je me sois retrouvé seul, sans rien, avec moi-même comme seul compagnon. Ma santé n’était pas brillante, mon corps ne voulait plus suivre et je sentais que la maladie était proche. Je faisais de l’hypertension, j’avais un rythme cardiaque au repos de plus de 90 et je faisais de l’apnée du sommeil. Je ne comptais plus les fois où je me suis éveillé en pleine nuit en détresse respiratoire, incapable de respirer. Bref, la fin était, en quelques sortes, proche. Je n’avais jamais eu aussi conscience du gouffre vers lequel je me dirigeais et j’avais alors le choix : continuer ainsi et y sombrer, ou choisir de vivre.

Maigrir

Je suis encore ici, j’ai donc fais le choix de renverser la vapeur. J’en avais assez de fuir et j’ai décidé de faire face à mon mal de vivre, à la source de mon problème. J’avais la chance, ou la malchance, d’avoir une assez bonne idée de cette source, ce qui me manquait c’était le courage de l’affronter, d’oublier mon obésité, de la voir comme ce qu’elle était : un genre d’anecdote, un symptôme.

Ainsi, j’ai enfin pu commencer à comprendre ce qui me poussait ainsi vers le gouffre et commencer ce que j’appelle maintenant ma «rédemption».

Un jour, j’ai décidé de prendre une marche. Pendant des années je n’avais pas essayé de marché longtemps parce que j’étais convaincu que je n’y arriverai pas, que c’était trop dur. Mais ce fut plus facile que je ne le croyais et je me suis surpris à me trouver bon. Tellement que le lendemain j’ai décidé de recommencer, et le jour suivant un peu plus et ainsi de suite. Depuis il n’y a que quelques journées dans toutes ces années où je n’e me suis pas entraîné de façon intensive.

L’activité physique

On a entendu tellement souvent de raisons pour faire de l’activité physique et du sport, de très bonnes raisons d’ailleurs, que l’on ne les écoutent plus. Malgré cela je vais en rajouter une : aimer son corps.

En effet, quand on est obèse on apprend vite à détester son corps, il est une source de honte, de malaises, d’inconfort, on voudrait s’en séparer. Le sport et l’activité physique, en plus des bénéfices physiques d’améliorer la perte de poids et d’améliorer la santé, permettent également de réapprécier son propre corps. De le sentir comme une source de bien-être, comme un ami quoi.

Pendant des années mon image physique de moi-même fut des plus négatives. Aujourd’hui, après des années de sports et d’entraînement (je suis devenu une des personnes les plus actives que je connais) je n’ai plus honte de mon corps, je suis même fier de certaines de mes capacités physiques. J’aime me sentir fort, j’aime le calme que procure l’épuisement après l’entraînement . Se réconcilier avec son corps est une expérience qui apporte un bien-être certain.

De plus, me mobiliser avec mes kilos en trop me demandait plus d’efforts que de faire de l’exercice aujourd’hui. Mon essoufflement d’aujourd’hui a maintenant un sens, j’ai le sentiment de contrôler mon corps et de ne plus être à sa mercie. Longtemps j’ai considérer mon corps comme un boulet, maintenant je le considère comme le véhicule qui me permettra d’aller plus loin.

Les conséquences

Il y a plusieurs conséquences au fait de maigrir énormément, à la fois physiques et psychologiques. Plusieurs sont positives, mais également plusieurs demandent à êtres apprivoisées et gérées correctement. On pense volontiers que la perte de poids à un effet magique qui change la vie du tout au tout, ce n’est pas le cas. Comme pour vieillir, la puberté ou même la perte des cheveux, la transformation née de l’amaigrissement important demande à être apprivoisé. Je m’explique. Physiquement évidemment il y’a une amélioration du bien-être et de la santé, mais il y’a aussi d’autres conséquences dont il faut être conscients.

La peau, entre autres, est une chose fantastique qui s’étire beaucoup, mais qui perds de son élasticité avec le temps et on peut se retrouver avec un surplus important après un amaigrissement important. Moi-même je possède un excès de peau qui n’est pas des plus gracieux, j’ai, de plus, les abdominaux distendus. J’ai eu beau faire de la musculation de façon intensive et continuer à en faire, je n’aurai jamais le ventre bien découpé des culturistes et me déshabiller devant une femme fut longtemps un défi. Je ne suis plus obèse, mais j’en garde le sens aigue de la conscience de mon corps.

Bien entendu il existe la chirurgie esthétique pour corriger ça, mais ça coûte très cher. De plus ce n’est peut-être pas obligatoire. Je suis maintenant relativement bien avec mon corps, bien que je n’irais pas jouer l’exhibitionniste. Vous savez, il y a vingt ans j’ai vécu un peu en Afrique chez les Kabyés du Togo, un peuple ou les hommes, quand ils passent à l’âge adulte, pratiquent la scarification rituelle. Ils se coupent la peau du visage pour marquer leur passage à l’âge adulte et leur appartenance à la communauté. Mon corps porte ses propres scarifications. Il porte les marques de plus d’un quart de siècle d’obésité, mais, ces marques, je les portes comme les cicatrices d’un noble et dur combat que j’ai gagné, et que je gagne encore chaque jour. Quand, aujourd’hui je vois, dans le vestiaire d’un gymnase, le regard de quelqu’un s’arrêter sur la peau flasque de mon ventre, je le prends comme un hommage à ma lutte. Comme si je suis dépositaire d’un savoir unique et bénéfique. Mon corps raconte une histoire, mon corps raconte mon histoire et elle n’est pas honteuse.

Parlant du regard des autres. Le changement dans leur regard est également une des conséquences qu’il faut apprendre à gérer. Évidemment on cherche pendant un certain temps à retrouver l’étonnement dans le regard des autres qui ne nous on pas vu depuis longtemps, qui n’ont vu que le «avant». Pour moi ça c’est traduit par une fâcheuse habitude que j’ai eu pendant un certain temps de ne pas me présenter aux gens que je revoyais après mon amaigrissement en attendant de voir s’ils me reconnaîtraient. Je cherchais le regard d’approbation des autres, ce qui n’est pas nécessairement très sain : on ne maigrit pas pour faire plaisir aux autres, il est déjà assez difficile de le faire pour soi. Heureusement je m’en suis lassé assez rapidement.

Il y a aussi un étrange phénomène qui consiste, pour certaines personnes, à vous parler du vous obèse comme si c’étais quelqu’un d’autre, comme si vous n’étiez plus vous. Moi, quand on me dis que j’étais pathétique en obèse ça me blesse, parce que je suis la même personne. Je remercie tous ceux et celles qui n’ont pas changé avec moi que je sois gros ou maigre.

De plus, une fois maigre et, surtout, mieux dans sa peau, même trop ample, cela nous ouvre une foule de possibilités. Quand on s’est vu sur la pente descendante pendant des années, que l’on n’a pas cru en ses capacités ni que l’on vivrait bien longtemps, il est un peu déstabilisant de se réveiller un jour avec la goût de plein de choses. Par exemple je n’ai jamais eu le goût d’être père un jour, parce que tout simplement je ne me voyais pas vieillir ni être assez bien avec moi-même pour l’être. Alors voilà que maintenant j’envisage la possibilité d’être père un jour comme quelque chose de tout à fait concret et c’est ainsi dans bien d’autres domaines. L’avenir s’ouvre à moi, j’ai parfois véritablement l’impression d’être un survivant.

Il faut aussi avoir pleinement conscience que maigrir ne solutionne pas tout, que ce n’est qu’une petite partie du travail. Maigrir mets fin aux excuses. Parce qu’il reste que réussir à perdre des dizaines de kilos est un accomplissement remarquable. Quand on a fait cela et que l’on en intègre toute la mesure, on se rend compte que peu de défis sont trop grands pour nous et on est équipés d’une confiance en nos capacités qui est particulièrement précieuse. Une fois que l’on a fait cela, pourquoi s’arrêter en chemin? Pourquoi ne pas aller plus loin.

Bilan

Au départ j’ai écrit que je ne regrettais absolument rien du temps où j’étais obèse, malgré les souffrances, malgré les cicatrices, malgré tout. Parce que je suis convaincu que cette expérience dans la dimension extra-extra-large m’a permis de devenir quelqu’un de meilleur.

Je n’ai pas rejeté celui que j’étais, je n’ai pas honte de celui que j’étais, que je suis. Mes bibittes et mon obésité ont fait de moi quelqu’un qui a développé, en compensation, des aspects de ma personnalité que j’apprécie aujourd’hui.

Par exemple, me sentant incapable physiquement, j’ai développé mon esprit, mon savoir, ma culture. À l’époque j’ai surcompensé simplement comme un mécanisme de défense. Aujourd’hui je suis fier de mon savoir, de ma capacité de comprendre les choses. Y aurais-je mis la même énergie si j’avais été maigre? Sans doute que non. De même je suis devenu, par la suite, très sportif, une chose que je n’aurais jamais fait avec la même détermination si je ne m’étais pas senti si limité pendant si longtemps. Maintenant j’ai un peu le meilleur des deux mondes, je suis à la fois dans une grande forme physique et intellectuelle et c’est grâce, quelque part à mon obésité. Je suis aujourd’hui plus en forme et en santé que les gens de mon âge qui m’entourent, alors que mes amis sont de plus en plus bedonnants et sédentaire, moi je suis parti dans le sens contraire.

Et c’est vrai pour plusieurs aspects de ma personnalité. On ne recommence pas sa vie, on la poursuit avec l’équipement que l’on a. J’avais le choix de regretté mes années, de m’en vouloir de n’avoir pas maigrit plus tôt ou bien d’en tirer les fruits, d’en retenir des enseignements précieux. Mon obésité, mes angoisses, furent pour moi un outil de développement personnel extraordinaire. Pour gauchement paraphraser Saint-Éxupéry : Je viens de l’obésité comme on vient d’un pays, c’est ma terre natale.