mercredi 3 mars 2010

Persévérance et acharnement

J’ai le plus grand respect, même de l’admiration, pour la persévérance. Cette force, cette confiance, qui vous permet de conserver le cap et de tendre vers votre objectif malgré le doute, les difficultés et l’adversité. Je suis, sur certains aspects, l’être le plus persévérant que je connaisse, le plus entêté, cet entêtement n’est pas toujours un défaut, dans mon cas ce fut la différence entre la vie et la mort et je béni ma tête de cochon chaque jour depuis qu’elle ma arrachée à la fin certaine que j’avais dessinée pour moi-même. Mais je sais aussi que cette persévérance peut mener à l’acharnement et l’acharnement peut être extrêmement destructeur, là où la persévérance construit patiemment, l’acharnement use et détruit assurément.

Cette entrée de blogue m’est inspirée en bonne partie par une conversation que j’ai eue avec une personne rare et précieuse près de moi et qui traverse certaines difficultés. Il n’y avait rien à dire, alors je n’ai rien dit, ce qui m’a sûrement évité de dire des âneries, mais je n’ai rien dis aussi vraiment parce que je suis incapable de porter un jugement sur la vie et le comportement des autres, sur leur choix, plus la personne est proche et moins je me sens à l’aise. Sans doute est-ce parce que je me suis trop longtemps senti jugé, ou plutôt avais-je trop peur de voir confirmé, dans les yeux des autres, les jugements et les sentences que je m’imposais. Enfin, toujours est-il, que je préfère beaucoup plus parler de mon expérience personnelle, de mon point de vue, que de tenter de les appliquer sur la vie des autres. Je ne parle bien que ce que je connais et je connais surtout ce que j’ai vécu, alors l’équation est simple.

Donc cette conversation m’a amené à réfléchir sur la différence entre la persévérance et l’acharnement, sur le renoncement et l’abandon. La persévérance d’abord parce qu’elle est essentielle, salvatrice, magnifique. La persévérance est ce qui donne de la valeur à votre vie et à vos entreprises. Vous vous donnez des objectifs et vous persévérez dans leur atteinte et c’est beaucoup ça qui donne toute sa valeur à cet objectif. Ce but sera encore plus beau parce que vous avez persévérez, parce que, devant l’obstacle, vous avez poursuivit l’effort. L’effort, est porteur de sa propre récompense. L’intensité de l’effort que vous investissez devient le vibrant témoignage de votre foi en vous-même. La vie c’est le mouvement et nos actions sont notre souffle, je l’ai déjà écrit souvent : persévérez, c’est déjà, pour beaucoup, réussir.

Tranquillement vous apprenez à mesurer votre valeur face à l’obstacle. Vous persévérez et vous apprenez à dépasser vos attentes, à dépasser celles des autres aussi. Vous êtes la rivière qui avance et gruge tranquillement l’obstacle, vous savez qu’avec suffisamment d’effort et de temps, le roc cède le pas à l’eau, vous devenez la rivière.

Mais le côté pervers de la chose vous attend dans un méandre là-bas. Vous vous mettez à croire que seule votre valeur personnelle et votre volonté peuvent venir à bout de tous les obstacles. Votre réussite n’est plus le jugement de la valeur que vous accordez à un objectif, elle devient le jugement de votre valeur à vous. Le roc se fait plus dur et vous vous obstinez; vous avez appris que vous pouviez réussir, alors la persévérance devient de l’acharnement, vous ne voyez plus rien d’autre que le roc qui vous bloque le chemin. Vous n’avancez plus, ce mouvement qui vous animait, ce souffle, devient une ancre. Par une étrange tournure des choses, vous inversez les rôles, car vous ne progressez plus, vous êtes désormais le roc au milieu de la rivière et votre persévérance qui vous faisait avancer est maintenant l’acharnement qui vous use. Désormais, vous avez perdu l’objectif si précieux de vue, vous ne voyez plus que l’obstacle dont vous voulez triompher. Vous alliez où déjà? Vous vouliez quoi au départ? Votre perspective est faussée par l’obstacle.

Vous ne voyez plus l’objectif, vous voyez seulement l’investissement en efforts que vous y avez mis, plus vous en mettez, plus cela devient la justification d’en mettre encore, c’est le syndrome de la voiture usagée. Vous devez changer le moteur sur votre minoune pour un montant prohibitif et votre principale justification est que vous ne pouvez pas ne pas le faire parce que vous venez à peine de faire refaire les freins, c’est un cercle vicieux. Plus on investit, plus on veut récupérer cet investissement, plus on récolte seulement des miettes. Plus de joies, seulement un peu, parfois de soulagement et le mirage d’un semblant de réussite.

Pour moi qui grimpe des montagnes, ou qui prétend les grimper, c’est perdre l’ensemble de ‘expérience de vue pour ne garder que celui du sommet à tout prix. Penser que, quelque part, dans un univers quelconque, la perte d’un orteil, d’un doigt, de la vie, vaut un petit bout de neige au sommet d’une montagne. Ce n’est jamais, jamais le cas.

Ce n’est pas très différent des joueurs compulsifs, on devient persuadé que la machine dans laquelle on a tant mis va finir par payer et on ose plus quitter la table, parce que ce sera peut-être la prochaine mise, sinon celle d’après. Mais plus on s’acharne, plus on perd. Jamais on ne retrouvera sa mise.

La limite est extrêmement difficile à tracer c’est certain et bien peu de gens arrivent à le faire avant de l’avoir dépassée de très loin. On ne peut espérer avancer et ne jamais la franchir, on peut seulement espérer avoir la sagesse de le reconnaître et la force de se lever de table. Car si persévérer est déjà une grande part du succès, renoncer, attention pas abandonner, renoncer à s’acharner est une grande part de victoire.

Et, renoncer devant l’impossible pour préserver sa capacité de réussir demain, ce n’est pas abandonner, ça demande un courage certain que j’admire et admirerai toujours encore plus que la persévérance.

J'espère avoir ce courage

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