dimanche 13 juin 2010

Les grandes ambitions

J'ai grandi en me convainquant que j'étais né pour un petit pain, dans mon cas c'était plus une douzaine de petits pains avec beaucoup de beurre et du nutella, mais enfin, vous comprenez le principe. Pas d'avenir, pas d'ambition, pas de désir, donc pas de frustration. Ne pas désirer mieux, c'était se prémunir contre l'échec, on ne peut échouer ce que l'on ne tente pas n'est-ce pas?
Je ne pense pas être différent en cela de bien des gens. Pas nécessaire d'avoir été obèse pour ça. À chacun son fardeau, à chacun son excuse. Un jour, il y a maintenant une dizaine d'années, j'ai perdu la mienne et je dois bien avouer que, parfois, depuis, c'est moi qui se sent perdu.
Plusieurs personnes qui lisent ce blogue me soulignent régulièrement comment ils trouvent mon jugement clair et apprécient le côté « assumons nos responsabilités » de mes propos. Merci , mais ce côté là ressort a postériori, une fois l'expérience vécue et digérée, c'est plutôt facile d'avoir un bon jugement quand l'histoire est terminée. On comprend bien les indices de l'histoire quand on en connait la fin. Quand je suis dedans, je suis aussi dans le flou et confus que n'importe qui. Je suis présentent dans une telle situation où tout converge pour me brouiller la vision.
D'abord, dans maintenant deux semaines je vais passer sous le bistouri pour me faire retirer une partie de mon surplus de peau. Cette opération correspondra, au jour près, à mon 44ième anniversaire et la date fut choisie en conséquence. J'appréhende pas mal ce moment et surtout la convalescence qui me laissera sur le carreau pour quelques semaines en compagnie de moi-même pour seul distraction.
De plus, la dernière année fut fertile en frustrations, en échecs et en apprentissages divers. J'ai été bien souvent confronté à me demander ce que je désirais vraiment, ce que je recherchais et ce à tous les niveaux: professionnel, personnel, amoureux etc.
Si on peut perdre du poids, on ne se libère jamais complètement de son fardeau. La plus grande cicatrice que je porte n'est pas dans la peau flasque de mon ventre, de mes cuisses, de mon dos même, mais entre mes deux oreilles, et ça aucune opération ou convalescence n'arrangera la chose. Je me rends de plus en plus compte que , si j'ai grandi dans la peur du regard et du jugement de l'Autre, j'ai toujours autant, sinon plus, besoin de son regard et de son jugement pour m'accomplir. J'ai beau être allé plus loin que je n'aurais jamais osé espérer, avoir eu le Monde à mes pieds par un soir calme sur une montagne en Alaska (le moment le plus magique que l'on puisse imaginer), mes triomphes, mes victoires, ne me satisfont jamais longtemps.
J'ai encore bien souvent un jugement parfaitement et terriblement sévère à mon endroit. Au fond, je ne considère pas vraiment que je mérite de triompher. Trop paresseux, trop complaisant, trop longtemps. Alors je cherche l'Autre dont le regard me donnera la permission de triompher, qui me fera sentir important, essentiel même. Parce que, par moi-même, je n'arrive pas à me convaincre complètement. Je n'ai décidément pas changé, tout ce que je fais de différent entre le moi de maintenant et le moi d'il y a dix ans est que j'ai appris à me battre malgré tout, malgré le doute, malgré la certitude quelque part que ce ne sera jamais fini.
On ne peut se changer, on peut seulement changer sa vie, mais c'est quelque chose qui ne termine jamais. Quand on entreprend de le faire aujourd'hui, il faudra aussi être près à le faire demain.
Je sais que ça peut avoir l'air affreusement pessimiste comme ça, mais c'est tout le contraire. Parce que, quelque part, continuer de se battre, progresser malgré les difficultés, ne pas baisser les bras, c'est triompher. Non dans l'instant de l'exploit, mais dans la durée. La force n'est pas de ne pas avoir de doute, mais de continuer malgré ceux-ci.
Dans deux semaines j'échangerai des cicatrices physiques pour d'autres, puis rien n'aura changé, et je continuerai à me battre pour trouver quelque chose que sans doute je n'obtiendrai jamais. Mais au fonds ce n'est pas ça qui compte, ce qui compte c'est que j'ai, malgré tout, le goût de continuer de me battre, au fonds, malgré le doute, si j'ai le goût c'est que j'en vaux la peine....

2 commentaires:

Grande-Dame a dit…

J'arrive toujours à trouver une application de vos billets à ma propre existence, comme si vos réflexions alimentaient les miennes.

Je pourrais vous relire plusieurs fois, il m'est arrivé de le faire et chaque fois, je suis émue du sens que j'y trouve.

C'est une grande étape que vous vous apprêtez à vivre, physiquement et symboliquement.

J'éprouve respect et admiration pour votre personne à travers votre parcours et votre manière de vous exprimer.

J'ai eu envie de vous proposer, à la lecture de votre convalescence imminente, d'aller vous porter les meilleurs biscuits qui soient -tout le monde en rafole ici, avec raison.

Puis, je me suis dit, quelle ironie, quand même, aller porter des biscuits à un étranger pour une telle convalescence !

Dites-moi, est-ce si ironique que cela?

François a dit…

Je ne dis jamais non à un biscuit;-) Ça m'a mis dans le trouble souvent d'ailleurs.